Maurice - GENDER LINKS 50-50 SYMPOSIUM, 13 avril 2022
Mesdames et messieurs, les membres du parlement mauricien et de l’Assemblée Régionale de Rodrigues,
Mesdames et Messieurs les représentants des partis politiques,
Son Excellence Madame Amanda Serumaga, coordinatrice résidente des Nations Unies faisant fonction,
Madame Shirin Aumeeruddy Cziffra, Avocate et Ex Ministre des Droits de la Femme, ambassadrice de bonne volonté de la campagne Rise and Shine de l'UE
Madame Anushka Virahsawmy, Directrice de Gender Links et toute sa vaillante équipe,
Mesdames et Messieurs les représentants de la presse,
Distingués invités,
EN GUISE D’INTRODUCTION
RéZONé avec #MetEnnSéryé (Raisonnons et soyons sérieux)
C’est le percutant slogan qui a été choisi pour la campagne et le symposium 50-50 organisé par Gender Links; celui-ci a un objectif clair et sans ambiguïté: promouvoir la participation des femmes en en politique et plus largement dans les sphères décisionnelles de la société.
Je suis donc honoré et ravi d’être à vos côtés ce matin pour participer à ce symposium 50-50 qui va nous permettre de débattre et d’échanger nos points de vue sur cette question fondamentale de la parité et de la place de la femme dans nos sociétés.
En effet, la participation équilibrée entre hommes et femmes est essentielle pour une démocratie efficace et participative, elle est souvent un gage de bonne gouvernance et cet équilibre homme femme participe de la confiance des citoyens et des citoyennes dans nos institutions démocratiques.
Les femmes donnent la vie et en connaissent le prix; dès lors elles sont généralement d'inlassables artisanes de la préservation ou de la restauration de la paix dans le monde. Car, en temps de guerre, que ce soit en Ukraine, au Sahel ou en Afrique centrale, elles et leurs enfants sont souvent et intentionnellement les premières victimes des exactions, des viols et des crimes que commettent les armées des envahisseurs et de leurs mercenaires.
Pacifier nos sociétés, remplacer la confrontation par la coopération, favoriser l'inclusion et la participation, permettre à chacun et à chacune de s'exprimer, d'avoir sa place et sa juste place, ce processus est partout dans le monde forcément un travail constant et de longue haleine; il passe par une sensibilisation de l’ensemble de la société pour surmonter les rigidités et les blocages socio-culturels, hérités des pesanteurs de certaines traditions et lourdeurs du passé et généralement du patriarcat dominant et dominateur.
Ce processus évolutif passe donc par le débat et, parfois même, par le combat de femmes comme la suffragette Emmeline Pankhurst (début du 20e siècle) et plus près de nous, Simone Veil pour que les femmes aient aussi la maîtrise de leur corps et de leur sexualité.
Afin de soutenir ce débat, l’Union européenne est heureuse d'apporter son soutien tant moral que financier sur le long cours (puisque l'on s'engage sur 4 ans à hauteur de 350,000 EUR) au projet de Gender Links -intitulé ‘’Avancing Gender equality and youth inclusion in the Republic of Mauritius’’ – afin d'encourager et si possible d'acter la participation et le leadership des femmes dans la politique comme dans la vie économique et sociale à Maurice et à Rodrigues.
Chacun de nous est bien sûr conscient que le rôle des institutions et des autorités reste et doit être déterminant dans ce processus. Nous pouvons donc saluer l’initiative prise par le Premier Ministre en mars dernier - avec le lancement de la politique nationale sur l'égalité des sexes 2022-2030 lors de la Journée internationale des droits de la femme; cette politique établit la vision du gouvernement et le cadre pour construire une société plus inclusive.
En me tournant vers le législateur, je rappelle aussi le rôle important que peut jouer le "gender caucus" au sein du Parlement mauricien.
Mesdames et Messieurs,
PROMOUVOIR LA PARTICIPATION DES FEMMES EN POLITIQUE C’EST PROMOUVOIR UNE SOCIETE INCLUSIVE
L’Objectif de Développement Durable No 5 défini au plan mondial par les Nations Unies concerne non seulement l’égalité entre les sexes, mais il vise aussi à l'autonomisation des filles et des femmes et à mettre fin à toutes les formes de discriminations et de violences contre les femmes et les filles dans le monde entier.
La situation diffère bien sûr d’un pays à l’autre. Dans certains pays, heureusement plus rares aujourd'hui, les femmes n’ont parfois pas accès ou un accès très limité à l’éducation ou à la liberté de mouvement. Et elles ont évidemment encore moins à la possibilité de prendre part aux décisions politiques !
Mais les choses changent et parfois rapidement. Alors que la moyenne mondiale de représentation des femmes est aujourd'hui de 26 % de sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux, certains pays comme le Rwanda ou Cuba font beaucoup mieux: le Rwanda figure ainsi largement en tête du classement mondial avec 61 % des femmes siégeant au parlement national suivi de Cuba avec 53,4 %. D'autres suivent de près comme le Mexique, le Nicaragua ou les EAU; ces exemples démontrent de surcroit qu'il n'y a pas de corrélations entre niveau de développement et représentation des femmes.
Dans la zone Europe, le pays avec le parlement le plus féminisé est l'Islande (47,6 %), tandis qu'en France, la proportion de femmes à l'Assemblée nationale s'élève à 39,5 %, donc très proche du seuil des 40´%.
Maurice a certes également progressé ces dernières années passant de 11.6% en 2014 à 20% en 2019; le taux était de seulement 5.7% en 1983 soit une progression de 14.7% en presque 50 ans. La question posée et qui sera débattue ce matin dans les ateliers est donc de savoir comment et à quel rythme arriver au seuil de 30% ou comment doubler la mise et atteindre 40%? Que faire par ex. au niveau des partis politiques ou de la loi électorale?
Car nous savons tous que les femmes représentent aujourd'hui 51 % de la population mauricienne. Rezone met enn séryé.
Mesdames et Messieurs,
Si l'on souhaite rendre la société plus inclusive, il faut impérativement que lors de l'élaboration des textes législatifs et de leur adoption les femmes aient voix au chapitre : peut-on raisonnablement imaginer des textes sur le droit des femmes, sur leur autonomie, voire sur leur sexualité dont elles sont les premières concernées qui seraient majoritairement, voire très majoritairement conçus, rédigés et adoptés un groupe constitué principalement d'hommes? Et je pose la question, si c'était l'inverse, comment réagiraient-ils?
Personne ne met, je crois en doute, le fait que les femmes ont le potentiel pour être pleinement partie prenantes aux décisions qui ont un impact - direct ou indirect - sur leurs vies, celles de leurs familles et par extension, sur la société en général et sur l'avenir du pays.
Alors pourquoi risquer de gaspiller cette ressource si nous sommes tous convaincus que les femmes ont les capacités requises pour contribuer, au même titre que les hommes, à un développement plus inclusif ?
Oui, pourquoi ne pas mettre à profit toutes les ressources disponibles pour relever les défis actuels et futurs auxquels nous sommes confrontés de la pandémie du coronavirus (ou je le rappelle souvent les femmes étaient les frontliners) à la sauvegarde de notre planète et la lutte contre la faim et la pauvreté?
L’APPUI DE L’UNION EUROPENNE POUR PROMOUVOIR LA PARITE DANS LA SPHERE POLITIQUE EN EUROPE
Mesdames et Messieurs,
La parité vous l'aurez compris à travers mes propos est indéniablement une priorité politique de l’Union européenne qu'il s'agisse de nos politiques internes comme de notre politique extérieure. Cependant pour que cette parité devienne une réalité, il faut impérativement des engagements fermes et concrets. Ce n'est en effet que grâce à de tels engagements que l’Europe parvient à faire des avancées dans ce domaine.
Premier élément: se donner des objectifs réalistes tout en étant ambitieux:
o A titre d'exemple pour aider à briser le plafond de verre de l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration des entreprises, la Commission européenne a adopté une directive de 2012. Cette directive fixe l'objectif d'un minimum de 40 % de membres non exécutifs du sexe sous-représenté dans les conseils d'administration.
Deuxièmement: mettre en place les instruments et les mécanismes pour atteindre ces objectifs; ici je vais aborder le sujet délicat et controversé des quotas et des seules mesures incitatives.
En reprenant l'exemple de la directive de 2012 on observe que les 7 Etats membres de l'UE qui ont introduits des quotas et des mesures contraignantes ont atteints un taux de 37.6% de femmes aux conseils d'administration soit une progression de +3% par an.
Les 9 Etats membres qui n'ont pris que des mesures incitatives ou les 11 qui n'ont pas adopté de mesures spécifiques ou uniquement des mesures vagues et générales ont atteint le score de 24.3% soit une progression de seulement 0.7% par an.
Conclusion que l'on peut tirer: avec des quotas nous avons observé une progression trois fois plus rapide…à méditer (food for thought).
Troisièmement: partager les bonnes pratiques, rechercher l'adhésion de tous et assurer un suivi et un monitoring constant:
Permettez-moi de citer deux outils: la plate-forme européenne des chartes de la diversité et l’indice européen de la diversité de genre.
La plate-forme européenne des chartes de la diversité
Cette plateforme facilite les échanges et les chartes de la diversité encouragent les organisations signataires (elles sont 12000) à développer et à mettre en œuvre des politiques de diversité et d'inclusion: promouvoir la diversité et l'égalité des chances sur le lieu de travail, quels que soient, par exemple, l'âge, le handicap, le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou l'orientation sexuelle.
L’indice européen de la diversité des genres
C'est une démarche volontaire de 600 sociétés cotées au niveau national et européen. L'indice suit l'évolution de la participation des femmes dans la prise de décision (en vue de l'objectif de 40 %) et en mesure les progrès.
Quatrièmement: gérer par l'exemple et démontrer que c'est non seulement possible, mais efficace.
C'est le cas avec la nomination de Madame Ursula Von Der Leyen à la tête de la Commission européenne; par ailleurs lorsqu'elle a constitué son équipe elle a demandé que chaque EM lui soumette deux candidats: un homme et une femme et elle a ainsi constitué une équipe de 13 femmes (48.1 %) et 14 hommes (51.9%).
Mais Madame Von Der Leyen n'est pas un cas isolé! Nous avons aussi Mme Lagarde qui dirige la Banque Centrale Européenne et Mme Metsola récemment élue par ces pairs à la tête du Parlement européen.
L’APPUI DE L’UNION EUROPEENNE POUR PROMOUVOIT LA PARITE A MAURICE
L’Union européenne est aussi active à Maurice dans la promotion de l’égalité entre hommes et femmes.
Depuis 4 ans, nous avons établi un dialogue politique annuel sur le genre avec le gouvernement et ce cadre de travail nous donne l’opportunité de promouvoir ces valeurs d'égalité et de non-discrimination dans le pays en travaillant sur le cadre légal avec le gouvernement et les ministères comme ce fut le cas sur le Children's bill et sur d'autres textes en gestation comme le "Gender Equality bill" ou la loi sur les personnes handicapées.
Récemment nous avons également financé une étude portant sur les Gender Country Profile de la République de Maurice.
Ce profil pays documente les progrès accomplis vers la réalisation de l'égalité des sexes et examine dans quelle mesure la République de Maurice a été ou pas en mesure de combler les écarts entre les sexes et de promouvoir l'autonomisation des femmes conformément aux diverses conventions régionales et internationales ratifiées.
Grâce à ce Gender Country Profile, le gouvernement sera en mesure de mieux identifier les domaines spécifiques qui nécessitent une intervention ciblée où l'inégalité entre les sexes reste un défi.
CONCLUSION
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, il y a beaucoup de sujets à débattre aujourd'hui.
Par le débat, par l'échange d'expérience nous pouvons sûrement progresser.
Je félicite donc Gender Links de susciter ce débat et je souhaite qu'il débouche sur des engagements concrets en faveur de la participation des femmes dans la vie politique et sociale de la République.
Pour reprendre le slogan de Gender Links pour la campagne et le symposium 50 :50, je vous dis : RéZONé avec #MetEnnSéryé (Raisonnons et soyons sérieux)
Et comme le dis fort justement ma Présidente:
« Dans nos sociétés, nous ne pouvons atteindre notre plein potentiel que si nous utilisons tous nos talents et toute notre diversité. N'utiliser que la moitié des ressources, la moitié des idées, la moitié de l'énergie créatrice n'est ni suffisant, ni satisfaisant. »
Merci de votre attention.