Journée internationale de l'éducation : Nous sommes les Neet’s ! -

La journée internationale de l’éducation est l’opportunité de revenir sur la thématique des jeunes NEETs en méditerranée. Le réseau Méditerranée Nouvelle Chance (MecNC) avec l’appui de l’Union européenne ont organisé à l’association Al Jisr, le premier Youth Exchange euro-méditerranéen, un évènement qui a réuni pour la première fois les Neet’s européens et marocains pendant une semaine, et a permis de mettre en exergue les actions entreprises par les acteurs de la société civile et les acteurs privés en leur faveur. Nous sommes allés à la rencontre de ces jeunes marocains, de leurs formateurs et de l’association marocaine qui les a accueillis au Maroc.

Autour des NEET’s

Ceux que l’on nomme les Neets, un acronyme anglais qui signifie not in employment, education or training, sont les jeunes en décrochage scolaire, sans formation, ni éducation avec de faibles opportunités d’emploi, ils restent dans la précarité et la désillusion, et portent en eux une souffrance et la peur de ne pouvoir construire un avenir.

 

Du 7 au 11 novembre 2022, s’est tenu dans les locaux de l’Association Al Jisr à Casablanca, le Youth Exchange euro-méditerranéen, un événement qui a permis la rencontre de jeunes marocains et 36 jeunes âgés de 18 à 26 ans et leurs référents (associations) issus de plusieurs structures dites de « seconde chance », venus de France de la Fondation Apprentis d’Auteuil, et du Portugal de l’Association pour l’Éducation de la Deuxième Chance AE20, ainsi que le Réseau des Associations des Écoles de la Deuxième Chance, l’École de la Seconde Chance Pyrénées-Atlantiques et l’Heure Joyeuse. La rencontre a été organisée par le réseau Méditerranée Nouvelle Chance (MedNC) dont fait partie l’association Al Jisr avec l’appui de l’UE au Maroc et Erasmus+.

Cette rencontre a été un grand moment d’ échange et apprentissage les uns des autres, autant pour les jeunes des deux rives que pour leurs référents.

Ichraq Mqadmi est une bénéficiaire de la formation en maintenance informatique à Al Jisr. Cette jeune fille pourtant décidée et volontaire, avait quelques réticences avant de rencontrer les jeunes venus d’Europe : « Au début, on avait un peu peur et on avait décidé de rester à l’écart et puis on s’est rendus compte rapidement que l’on s’est trompé. Nous nous sommes très bien entendus, nous avons remarqué que nous sommes tous pareils ! ». La crainte de l’autre, la peur de ne pas être à la hauteur et la barrière de la langue avaient, d’après les dires de leurs encadrants, quelque peu émoussés les ardeurs des jeunes du centre de la deuxième chance (C2C) de l’Association Al Jisr. Puis la magie a opéré, ils se sont mis à parler en français avec les jeunes venus de France, et la communication s’est faite sans difficulté : « Nous nous sommes même rendus compte que nous parlions français ! », le langage des signes prenait le relais avec les jeunes portugais. Inutile de s’adresser aux interprètes, ils se sont compris et ont échangés directement, avec leurs outils de traduction mobile et en partageant leurs centres d’intérêts.

Pour Iliass Kechnaoui cette rencontre a été une expérience vraiment positive, outre l’échange et le contact gardé après leur retour dans leurs pays respectifs avec les jeunes français et portugais, il s’est aussi découvert une passion pour l’audiovisuel quand il a participé à l’atelier pour apprendre à réaliser une vidéo : « Je pense qu’après mon diplôme de maintenance informatique, je vais faire une formation de vidéaste. Je garde très bon souvenir du Youth Exchange euro-méditerranéen, et je me suis bien entendu avec eux tous ».

La semaine du MedNC s’est tenue dans les locaux du Centre de la deuxième chance « C2C » de l’Association Al Jisr à Casablanca, un petit film a été réalisé par les jeunes de l’atelier vidéo. Lors de cette semaine, divers ateliers ont eu lieu : la peinture, le street art, le théâtre, la musique, le dessin. Là, tous ont pu montrer leurs talents, découvrir une vocation et exprimer leurs ressentis. Tous témoignent de l’entente qui a dominé lors de ces ateliers et l’intégration entre les trois cultures. Pour certains, cela a été l’occasion « d’échange et de partage d’idées », pour d’autres « d’amitié » ou encore de « co-existence », et pour les plus emphatiques « de meilleure semaine de ma vie !».

Ces échanges permettent d’ouvrir l’esprit des jeunes, de leur faire rencontrer d’autres cultures, d’autres langues et de communiquer avec ceux qui sont aussi dans une situation similaire à leur âge. Une approche soft skills qui a pour but de mettre en lumière les NEEts euro-méditerranéens et leur problématique de formation et d’emploi. Tous les ateliers auxquels ils ont participé ont eu pour thématique les jeunes et le travail, la recherche d’emploi, la création de projet… Une réflexion autour des conditions d’emploi de la jeunesse en Méditerranée. Durant ces 5 jours, les jeunes marocains, français et portugais ne se sont pas quittés. Ils ont découvert qu’ils partageaient les mêmes rêves, les mêmes situations de départ et les mêmes désirs d’avenir. La séparation, paraît-il, a été pénible mais le contact est gardé, le principe de mobilité pour l’échange entre les jeunes du monde, prôné par Erasmus+ a aussi opéré pour eux.

 

des jeunes autour de deux tables

 

La deuxième chance : éducation, formation et soft skills

Pour Ouafa Berny-Mazouar, la directrice d’Al Jisr : « La chimie a opéré, cette rencontre et les activités auxquelles ils ont participé les ont transformés et épanouis. »

Selon Latifa Boualous, cheffe de projet à l’Association Al Jisr : « En début d’année, je reçois des jeunes déprimés, que rien n’intéresse et qui ont la sensation que leur avenir est bouché. J’anime un atelier participatif, où je leur apprends à communiquer, à avoir la notion d’équipe, sans leur mettre de pression et sans leur donner de leçons surtout. L’apprentissage passe par la prise de conscience, par la remise en question. Cela se fait progressivement car il faut d’abord bâtir une relation de confiance. En ce qui concerne les soft skills, nous commençons par le respect de l’autre, l’esprit d’équipe et toutes les notions qui doivent leur permettre un vivre ensemble harmonieux dans leur vie sociale et professionnelle. Cette expérience a été bénéfique pour une bonne mise en pratique ».

Les NEETs sont un défi sociétal qui appelle des solutions urgentes et constructives. Comment intégrer les jeunes en décrochage scolaire, sans formation ni emploi ? La priorité doit être donnée à l’apprentissage, le renforcement de compétences pour certains, et l’intégration dans le tissu social avec un emploi décent qui les insèrent dans la vie active pour d’autres.

L’entreprise joue un rôle important en offrant des stages qualifiés qui permettent aux stagiaires d’apprendre un métier et l’entreprise gagne une ressource humaine qualifiée. Les jeunes bénéficient durant cette période d’un accompagnement personnalisé pour éviter tout risque d’abandon qui mènerait à une rupture du contrat d’apprenti.

Un suivi psychologique est nécessaire pour débloquer qui manque de confiance, qui un trauma ou un d’échec mal digéré. Selon Morad Tammar, l’un des formateurs en maintenance informatique : « A leur arrivée, ils sont souvent découragés et déprimés et restent bloqués dans des situations d’échecs, sans perspective d’avenir. Il suffit de les amener à se raconter pour qu’ils en prennent conscience et changent leur attitude. A partir de là, on peut travailler avec eux. »

Ces chercheurs d’emploi-apprenants ont bénéficié d’une révision des curricula de leurs formations d’une part pour combler leurs lacunes dans des matières indispensables à leur formation dans l’informatique (comme l’anglais ou les mathématiques ou le codage) d’autre part enrichir leur   soft skills, par exemple pour leur montrer comment se comporter en entretien, comment être à l’écoute, respectueux ou sur la notion d’esprit d’équipe…

L’école-entreprise est une adéquation formation-emploi qui vise les tâches spécifiques à un emploi pour lequel la demande est réelle. Les plus déterminés d’entre eux,  poursuivent une formation supérieure à l’Office de Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT), puisque le diplôme délivré au C2C est reconnu par l’État. Sinon, après le stage en entreprise, l’embauche est pratiquement assurée.

L’Association Al Jisr créée en 1999 et placée sous la Présidence d’Honneur de Sa Majesté le Roi Mohamed VI œuvre depuis plus de 20 ans pour donner une seconde chance aux jeunes chômeurs en les formant et en les intégrant dans un partenariat École-Entreprise. Al Jisr qui signifie « pont », veut être justement ce relais entre les jeunes en difficulté et le monde du travail. Sa mission comme nous l’explique Mme Berny-Mazouar est de : « Contribuer à la sensibilisation et à la mobilisation des entreprises privées pour leur implication dans l’éducation à travers le parrainage d’établissements scolaires ». En favorisant et en créant des synergies entre la formation professionnelle et le marché de l’emploi avec une approche d’inclusion sociale. Grâce à ses partenaires, cette école de la deuxième chance permet aux jeunes et aux entreprises de se rencontrer et de collaborer. Avec la création de deux plateformes : le C2C ou Centre de la 2ème chance où l’objectif est de les aider à la construction d’un parcours professionnel qui met aussi l’accent sur les soft skills. Car la confiance en soi, le respect de soi et l’estime de soi sont les bases sur lesquelles les jeunes peuvent se refonder ; Et la seconde le Green Chip 2.0