En 2013, à 40 km de N'zérékoré, la ville où vit Moussa, trois jeunes sont pris pour des voleurs et sont battus par les gardiens d'une station-service. Quelques heures plus tard, deux d'entre eux meurent des suites de leurs blessures. "Les gardes et les jeunes étaient de deux ethnies différentes. Ce qui a commencé comme un incident isolé s'est ensuite transformé en un conflit ethnique qui a enflammé la région", se souvient Moussa.

En moins de trois jours, une spirale de violentes représailles s'ensuit, entraînant la mort de plus de 100 personnes. "Chaque communauté voulait se venger, les gens s'accusaient et s'entre-tuaient. Cela s’est également transformé en guerre religieuse et les églises et les mosquées ont été incendiées. Lorsque le conflit a atteint N’zérékoré, ma nièce a été brûlée vive chez elle. Encore aujourd’hui, mon coeur se serre quand j’y pense,” confie Moussa.

Aujourd’hui, le feu s’est éteint, mais les séquelles sont encore présentes. Les fractures de jadis qui ont mené à un conflit d’une telle ampleur restent en toile de fond. Depuis 2 ans, à travers le projet “Unis dans nos différences”, mis en oeuvre par Search et financé par l’Union européenne, Moussa fait partie des leaders religieux engagés comme personnes ressources pour prévenir les violences à caractère identitaire.

“Nous travaillons en synergie avec les chefs de quartiers et de secteurs afin de comprendre quels sont encore les obstacles à la paix dans nos communautés. Cela nous permet de cerner à la racine les problèmes encore présents entre les différentes communautés et d’agir directement,” explique Moussa.

À N'zérékoré, les leaders religieux font partie de la vie quotidienne de tous et leur parole joue donc un rôle primordial dans la diffusion d'informations fiables, la sensibilisation des communautés et le renforcement de la cohésion sociale. "Avant, les chrétiens et les musulmans avaient peur les uns des autres. Même nous, les leaders religieux, n'étions pas complètement infaillibles. Lors des réunions organisées par Search, j'ai compris combien il est essentiel que les imams, les pasteurs et les prêtres unissent leurs voix. Nos communautés sont religieuses et accordent beaucoup d'importance à ce que nous leur disons", dit-il.

En effet, à l'église comme à la mosquée, les leaders religieux se réunissent pour donner l’exemple et livrer un message commun de paix et de tolérance. “Cela a un impact majeur sur nos fidèles de voir un imam et un prêtre ensemble dans le même lieu de culte pour promouvoir la paix. Nous rappelons aux gens que nous prions le même dieu. La manière de l’adorer n’est pas la même, mais dans l’islam comme dans le christianisme, nous sommes appelés à faire le bien et non le mal” ajoute Moussa.

Sept années se sont écoulées depuis les affrontements de 2013. Cependant, le combat de Moussa pour renforcer les liens communautaires à N'Zérékoré n'est pas terminé. "J'espère que de tels événements ne se reproduiront plus. Je veux perpétuer le travail de Search au sein de nos communautés et en particulier avec les jeunes. Nos enfants sont les premiers à sortir lorsqu’un conflit éclate. Ma mission est donc de continuer à faire comprendre à mes semblables que nous sommes une seule famille, indivisible et de même sang", conclut-il.