Niger : mobilisation inédite pour sauver la démocratie

HR/VP Blog – Au Niger, où je m’étais rendu il y a quelques semaines, le Président Bazoum, démocratiquement élu, a été victime d’un coup d’Etat militaire. Après ceux qui ont touché déjà le Mali, le Soudan, la Guinée et le Burkina Faso depuis 2021, ce nouveau putsch militaire constitue une menace pour le peuple nigérien et pour toute la région. Nous soutenons les efforts de la CEDEAO et de l’Union Africaine pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.

 

Au début du mois de juillet dernier, je m’étais rendu au Niger. J’avais pu mesurer à cette occasion la difficulté de la tâche à laquelle les autorités du pays étaient confrontées, tant sur le plan sécuritaire que sur celui du développement économique et social d’un des pays les plus pauvres du monde. J’avais été impressionné cependant par la détermination du Président Bazoum et de son gouvernement à mener de front la lutte contre le terrorisme et un développement social inclusif dans un cadre démocratique, une approche devenue beaucoup trop rare dans une région en proie à une dérive autoritaire.

Le Président Bazoum est et demeure le seul Président légitime du pays

Depuis le 26 juillet dernier, le pays est cependant victime d’un coup de force initié par les responsables de la garde présidentielle. Le Président Bazoum est retenu prisonnier et l’ambassade de France a été attaquée par des manifestants. Face à ce coup d’Etat, notre position rejoint celle de l’Union Africaine, de la CEDEAO et du Conseil de Sécurité des Nations Unies : le Président Bazoum a été démocratiquement élu, il est et demeure le seul Président légitime du pays. Sa libération doit intervenir sans condition et sans délai, et l’UE tient les putschistes pour responsables de sa sécurité ainsi que de celle de sa famille. L’Union européenne ne reconnaît pas et ne reconnaîtra pas les autorités issues du putsch.

Dans l’immédiat, nous avons décidé de suspendre l’appui budgétaire apporté au Niger, ainsi que toutes les actions de coopération dans le domaine sécuritaire. Nous avons également décidé de rapatrier les ressortissants européens et nous sommes en train de mener à bien cette opération. Les équipes de la DG ECHO de la Commission Européenne, en charge de l’aide humanitaire, resteront cependant sur place et s’efforceront, avec leurs collègues des pays voisins, de limiter les effets négatifs du coup d’Etat sur les populations nigériennes les plus vulnérables. Pour la suite, nous nous alignerons sur les décisions prises par les Chefs d’Etat de la région au sein de la CEDEAO afin de restaurer l’ordre constitutionnel au Niger.  

Le 32ème putsch militaire en 33 ans en Afrique

Intervenant après ceux qui ont frappé depuis 2021 le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Soudan, ce coup d’Etat militaire, s’il devait se poursuivre, marquerait un tournant majeur dans la région. Comme le soulignait Jeune Afrique récemment, il s’agit du 32ème putsch militaire en 33 ans sur le continent africain. C’est aussi le 5ème au seul Niger depuis l’indépendance du pays. Malgré les votes démocratiquement exprimés par les populations africaines, leur volonté reste trop souvent balayée d’un revers de main par ces coups d’Etat. Comme le disait mon ami Mo Ibrahim, « une nouvelle fois, nous voyons les militaires d’un pays africain retourner leurs armes contre leur propre gouvernement au lieu de protéger leurs propres concitoyens et de lutter contre les menaces terroristes. »

 

« La seule ingérence dont on puisse parler aujourd’hui est celle de militaires qui renversent un Président élu et celle d’une Russie impérialiste qui veut utiliser ces régimes comme des pions dans son jeu d’échecs mondial. » 

 

Certains de ces régimes militaires et leurs alliés accusent l’Union européenne et ses Etats membres d’ingérence. L’Union européenne n’est cependant présente au Sahel qu’à la demande des gouvernements légitimes des pays de la région et respecte toujours leurs décisions souveraines. La seule ingérence dont on puisse parler aujourd’hui est celle de militaires qui renversent un Président élu et celle d’une Russie impérialiste qui veut utiliser ces régimes comme des pions dans son jeu d’échecs mondial. Depuis quelques années en effet, la Russie de Vladimir Poutine alimente ces coups de force avec sa propagande mensongère et profite de l’installation de ces régimes militaires avec ses milices privées qui pillent les richesses de la région.  

La voie de la dictature militaire ne peut qu’être une impasse

La voie de la dictature militaire et de l’isolement international ne peut qu’être une impasse pour les pays de la région, tant sur le plan sécuritaire que sur celui de leur urgent développement économique et social. Les promesses mirifiques de la Russie en matière économique ne sont jamais tenues et sur le plan sécuritaire, les faits parlent d’eux-mêmes : au Mali les attaques terroristes et les exactions contre les populations se sont multipliées depuis l’arrivée de Wagner.

Il est plus que temps de mettre un coup d’arrêt à cette dérive dangereuse pour les peuples du Sahel comme pour les pays voisins. Au moment du coup de force, le Président Bazoum avait indiqué dans son dernier tweet que « les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés. Tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront. » Je garde l’espoir de pouvoir me rendre de nouveau prochainement au Niger afin de poursuivre le travail de fond engagé avec lui.