Soudan: Remarques à la presse du Haut représentant/Vice-président Josep Borrell en amont de la Conférence humanitaire internationale pour la région

15.04.2024
Paris
EEAS Press Team

Seul le prononcé fait foi ! 

Merci, cher Stéphane [Séjourné]. Merci [monsieur le] ministre de l'Europe et des Affaires étrangères [de la France],

Madame la ministre fédérale des Affaires étrangères [d’Allemagne], chère Annalena [Baerbock], 

Mon collègue, le Commissaire [européen en charge de la gestion des crises] Lenarčič, cher Janez, 

[Ça fait] déjà un an que le Soudan est plongé dans le chaos, depuis le déclenchement d’une lutte sanglante pour le pouvoir. 

Il y a un an, on était en train de coordonner le carrousel des avions des différents pays européens qui évacuaient nos ressortissants. Nous sommes partis et depuis on dirait, comme disait Annalena, qu’on les a oubliés. Enfin, ils ne font pas la une des journaux en tous cas. 

Le Soudan est le théâtre de la plus grande crise de déplacement au monde, il n’y en a pas une autre aussi grande.

Il y a huit millions de déplacés, avec une urgence humanitaire absolue. On en a beaucoup des urgences humanitaires, mais celle-là est absolue. La moitié de la population du pays, c’est à dire aux alentours de 18 millions des personnes, risque la famine.

On ne serait pas ici aujourd’hui si deux généraux, les Généraux Burhan et Hemedti, n’avaient pas poussé le pays entier au bord du gouffre.

On revoit à nouveau la catastrophe humanitaire qu’on avait vue au Darfour, il y a beaucoup d’années.

Le Darfour, à nouveau, est l’épicentre d'une crise humanitaire terrible, provoquée par l’ambition de pouvoir de deux chefs de guerre : les Généraux Burhan et Hemedti.

Alors, [face à] cette situation, cette Conférence, cher Ministre, tombe très bien, parce que cette Conférence va faire un certain nombre de choses, de tâches. 

La première : continuer – parce qu’on le fait mais il faut le faire encore plus – de pousser les parties belligérantes à s’engager en faveur d’une cessation des hostilités. Et seulement, seulement la pression internationale pourra le faire. Parce que chacun des deux pense qu’il peut gagner la guerre [et] ils vont continuer à la faire sauf si la pression internationale les en empêche. 

Ensuite, il faut une trêve humanitaire. C’est un mot que l’on utilise beaucoup ces temps[-ci]. Une trêve humanitaire pour permettre que les travailleurs humanitaires puissent opérer sans entrave.

Il faudra penser aussi à demander des responsabilités, y compris à travers l’application de sanctions contre ceux qui agissent contre les perspectives de paix. 

Il faudra renforcer la coordination en matière de médiation, parce qu’on voit que depuis un an, il y a beaucoup d’initiatives qui se multiplient mais qui se fragmentent. Il y en a beaucoup, mais elles ne sont pas coordonnées. On laisse trop de marges de manœuvre aux belligérants pour marchander, procrastiner en tirant un avantage du fait qu'ils ont différents interlocuteurs. 

Et puis, il faut l'engagement de la société civile. Et là, l'Union européenne peut faire beaucoup, en aidant les acteurs civils soudanais pour peser d'une voix contre les belligérants. Les voix civiles sont essentielles pour façonner un processus politique. 

En résumé, le Soudan et sa population a besoin qu'on se mobilise de la façon la plus rapide et la plus totale.

Des mots, on en a déjà dit beaucoup. Il faut maintenant augmenter la vitesse et l'intensité de notre engagement opérationnel. 

Merci. 

Q&A 

  1. Quels moyens a aujourd’hui la communauté internationale pour faire concrètement pression sur les belligérants au Soudan afin de faire passer les aides humanitaires ? Les besoins sont urgents. Des millions de personnes ont faim. On a des rapports qui viennent des camps qui montrent des enfants dans un état développé de famine et d’insuffisance alimentaire. Quels moyens la communauté internationale a aujourd'hui concrètement pour agir, sachant que jusqu'à maintenant le chef de l'armée soudanaise refuse d'aller à Jeddah ? Le chef de l'armée soudanaise, le général al-Burhan, refuse la médiation de l'Intergovernmental Authority on Development (IGAD). Il est question durant cette Conférence d'unifier un peu les initiatives pour la paix au Soudan. Comment vous allez faire à ce niveau-là, également ?

Je peux, peut-être, répondre à la deuxième question. Je laisse le Commissaire Janez [Lenarčič] parler de l’accès humanitaire, parce que c’est vrai qu’on utilise l'accès à l'aide humanitaire comme une arme pour augmenter l'influence politique des belligérants. Malheureusement, ça arrive dans tous les conflits quand la population civile est prise en tenaille dans une bataille. Les chefs de guerre, sans scrupules, moyennent l'aide humanitaire qui arrive. Mais sur ça, je pense que mon collègue, le Commissaire Lenarčič, peut donner plus d'informations. 

À propos de la fragmentation de la médiation, c'est un des problèmes. Parce que la guerre ne serait pas si longue s'il n'y avait pas des parties qui l’alimentent, en essayant d'avoir de l'influence sur le pays - qui est un pays très riche. Et on voit qu'il y a des pays qui soutiennent un côté et des pays qui soutiennent un autre. Et en même temps, ils apparaissent comme des médiateurs avec des procédures de médiations qui évidemment ne sont pas perçues en tant que telles par l’autre côté. Je ne vais pas mettre de noms précis mais vous pouvez imaginer de quoi je parle. Alors il y a au moins, que je sache, trois ou quatre procédures de médiation. Il y a la procédure arabo-américaine. Il y a la procédure menée par l'Égypte. Il y a celle [menée] par les Émirats [Arabes Unis], et il y a celle de la Coordination pour le développement des pays de la Corne de l’Afrique (IGAD). Ça fait trop. Ça fait trop et peut-être pas toutes ont le “label de qualité” qu'on demande des médiateurs.

Alors cette Conférence a pour but de voir de quelle manière on peut laisser de côté les protagonismes, les envies d'influencer, [et] l'occupation. La Russie est là aussi – pas en tant que médiateur, mais en tant qu'agent qui cherche à profiter des “eaux tourbillonnes” pour, comme on dit en espagnol : “[a] aguas revueltas, ventaja de pescadores”. Les pêcheurs prennent l’avantage quand les eaux sont agitées.

Et ça serait un des buts de cette Conférence : faire en sorte que ces processus de médiation soient moins fragmentés et plus coordonnés. Mais ça dépend évidemment de la volonté politique des acteurs. On verra bien comment ça marche, aujourd'hui. 

Peter Stano
Lead Spokesperson for Foreign Affairs and Security Policy
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Jennifer Sánchez Da Silva
Press Officer for International Partnerships/Foreign Affairs and Security Policy
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