Davantage de Sécurité ? Investissez dans la Jeunesse ! La jeunesse engagée dans la lutte contre le banditisme et la criminalité organisée

30.09.2020

Une conférence a réuni 100 jeunes venant de toute la région d’Agadez afin de discuter avec les autorités et les forces de sécurité leur contribution à la lutte contre le banditisme et la criminalité organisée au centre et au nord du Niger.

Le Ministre de la Renaissance Culturelle y a participé, le Secrétaire Général de la Région d’Agadez, le Président du Conseil Régional d’Agadez, le Sultan de l’Aïr et le Directeur Régional de la Police Nationale d’Agadez étaient aussi sur place, ainsi que d’autres autorités locales et représentants des forces de sécurité. Ils sont tous venus pour discuter, écouter et répondre aux opinions, souhaits et préoccupations de la jeunesse d’Agadez dans la lutte contre le banditisme et la criminalité organisée dans la région.

« La criminalité organisée est une réalité », dit le Président du Conseil National de la Jeunesse au Niger, Monsieur Aliou OUMAROU. En collaboration avec l’antenne d’Agadez d’EUCAP Sahel Niger, il a invité les autorités locales, les représentants des ONGs et les leaders des groupes de jeunes des différents départements à une conférence qui a eu lieu à Agadez du 12 au 13 septembre.

« Le Niger est l’un des pays les plus jeunes au monde, donc un pays qui a beaucoup d’avenir. Mais c’est aussi un avenir qui ne peut être exploité que si la paix et la stabilité y sont garanties. C’est pour cela nous avons besoin de la jeunesse à s’engager dans la prévention contre les différentes menaces sécuritaires. Les représentants des jeunes invités aujourd’hui ont l’obligation à leur retour de rassembler les jeunes dans leurs communautés et de partager tout ce qu’ils ont appris ici. »

Plus de 100 jeunes ont suivi les différentes présentations thématiques, dispensées par des experts de sécurité locaux ainsi que ceux de la Mission EUCAP Sahel Niger sur les divers aspects de la lutte contre le banditisme et la criminalité, notamment le trafic des produits illicites, y compris les actes des trafiquants qui profitent de la migration irrégulière et mettent la vie des migrants en péril. Chaque intervention a conclu avec une séance de questions-réponses.

« Je me réjouis de l’intérêt et de l’engagement des jeunes à ce sujet car c’est seulement avec la jeune population qu’on peut gagner cette lutte. Tout d’abord, c’est l’éducation qui est la base pour créer des perspectives économiques, sociales et culturelles qui empêchent aux jeunes de s’engager dans des activités clandestines. Notre culture est tellement riche et ces actes déstabilisent notre pays gravement », dit le Ministre dans son allocution.

Une grande partie des sessions a évoqué la lutte contre la consommation des drogues et d’autres types de stupéfiants — un phénomène plutôt nouveau dans la région d’Agadez. « Nous observons de plus en plus de vendeurs de drogues dans les villes de la région et également plus de jeunes qui les consomment. Malheureusement, ils ignorent les conséquences sur la santé. Les jeunes drogués ne savent plus ce qu’ils font, ils deviennent violents et puis s’offrent au pire », continue le Ministre. « Les drogues sont l’entrée dans la criminalité et les terroristes savent bien comment ils peuvent profiter des jeunes drogués. Le terrorisme ne s’arrêtera que quand il ne peut plus se nourrir de ces jeunes. »

« Les femmes en tant que sœurs et mères ont une grande influence dans la famille. C’est pour cela elles jouent un rôle important dans la lutte contre les diverses menaces sécuritaires et nous avons particulièrement besoin de leur engagement pour maintenir la sécurité et la stabilité. Cependant, c’est maintenant aussi des jeunes filles qui commencent à consommer des drogues et je suis très préoccupée par ce phénomène qui affecte tous les milieux sociaux. Nous appelons les parents, les directeurs d’écoles et d’autres institutions sociales de sensibiliser sur ce phénomène qui met leurs enfants en péril. »

A côté du risque d’une forte dépendance à l’égard des drogues que les groupes bandits et extrémistes utilisent pour recruter des jeunes, le Directeur Régional de la Police à Agadez a fait un appel aux jeunes en soulignant l’importance des réseaux sociaux pour diffuser leur propagande. « Nous avons besoin des jeunes pour nous signaler tout contenu qui seraient de nature à susciter la haine, la glorification de la violence ou d’autres délits afin que nous puissions prendre action », explique le Directeur Régional de la Police.

Comment réussir à impliquer les jeunes, a été expliqué par le Président du Conseil National de la Jeunesse, Aliou OUMAROU : « A Diffa, une région gravement affectée par l’extrémise violent, nous avons installé un système d’alerte précoce. Dans huit communes pilotes, des jeunes femmes et garçons ont été sélectionnés. Puis, ils ont été formés et ont reçu des téléphones pour signaler tout souci ou infraction aux mairies des communes et aux responsables de la police et de la gendarmerie. Depuis, ils forment systématiquement le relais des informations aux forces de sécurité, aux chefs traditionnels et autorités locales. C’est le dialogue intergénérationnel qu’on essaie d’établir. »

Pendant les deux jours, il y a eu des débats intensifs qui ont relevé les préoccupations de la jeunesse. Outre une meilleure coopération avec les forces de sécurité, de nombreux participants ont plaidé pour un soutien accru de l’État dans la création d’emplois et de perspectives pour les jeunes. « Les jeunes et les personnes âgées doivent collaborer et s’aider mutuellement. De plus, nous devons nous assurer que les ex-criminels sont mieux réinsérés dans notre société, pour qu’ils n’aient pas à récidiver », mentionne une jeune participante.

La conférence soutenue par EUCAP Sahel Niger s’inscrit dans une série d’activités, que l’antenne de la Mission à Agadez organise régulièrement avec des représentants de la société civile et des forces de sécurité locales avec l’objectif de renforcer la confiance entre les forces de sécurité intérieure et les populations.

« Dans ce contexte, le but est d’un côté de permettre une meilleure compréhension du travail des forces de sécurité intérieure par la population. De l’autre côté, il s’agit de contribuer à une meilleure compréhension par les forces de sécurité des défis auxquels les populations font face. C’est dans ce cadre, que nos activités visent à sensibiliser et former les différents groupes cibles tels que les chefs traditionnels, les femmes et, bien sûr, les jeunes de la région d’Agadez », explique Kerstin BARTSCH, cheffe adjointe de l’Antenne d’Agadez de la Mission EUCAP Sahel Niger.

Selon une étude* financée par l’Union Européenne en 2019, environ 14 millions d’africains consomment des stupéfiants en Afrique subsaharienne. C’est la région du monde qui connaitra l’augmentation la plus importante du nombre absolu de consommateurs de drogues. Ces évolutions auront d’énormes implications sur les services de répression qui luttent contre le trafic mondial des drogues, sur les gouvernements qu’essaient par tous les moyens de renforcer leurs capacités nationales et, enfin, sur les organisations du secteur de la santé qui s’efforcent d’améliorer leurs moyens matériels dans des contextes de développement difficiles. Pour Kerstin BARTSCH, ces chiffres sont frappants. « Il faut en parler — et qu’il faut en parler maintenant — parce qu’on parle des générations futures de ce pays — vos enfants et les enfants de vos enfants. », souligne-t-elle face aux participants.

*https://enactafrica.org/research/research-papers/demande-et-consommation-de-drogues-en-afrique