Africa Yeeas! Where are they now? – Guillaume Lacroix

J'ai passé un peu plus de quatre ans à Bruxelles, entre 2009 et 2013: les deux premières au secrétariat du Conseil (task force Afrique) puis deux ans au SEAE («l'EEAS» comme on dit maintenant). Mes souvenirs professionnels sont nombreux. J'ai notamment en tête les missions de terrain préparatoires au lancement de la mission de formation des soldats somaliens (EUTM), lorsque j'étais au Conseil. Je me souviens du travail collectif, entre collègues de la rue de la loi, de Cortenberg, de la rue de la science et des délégations qui préfigurait le SEAE. Mon chef, José Costa Pereira, m'avait laissé carte blanche. Avec le recul, ce sont ces premiers mois qui m'auront le plus marqué.
Au SEAE, j'ai participé à la mise en place de la direction Afrique, au poste le plus singulier qui soit : assistant du «managing directeur». Comme on dit, c'est un beau poste d'observation. C'était en tout cas, dans la conception de mon patron Nick Westcott, un poste statique (ma mission la plus lointaine aura été Paris) mais de confiance, de disponibilité et de suivi de tous les dossiers, politiques et administratifs. Assistant, c'est un terme commode qui veut dire qu'on est à la fois imprimeur, serrurier, guide, déménageur, comédien, diplomate, concierge... Je n'ai pas travaillé à la direction d'Afrique, j'étais la direction d'Afrique, depuis mon petit bureau-loge.
Au cours de mes années bruxelloises, j'ai beaucoup appris. Sur le fonctionnement du travail européen, bien sûr. Celui-ci est moins compliqué, moins technique qu'il n'y paraît. Les textes et traités comportent des milliers d'interstices et c'est dans ces failles, ces non-dits que tout se joue, ce qui laisse finalement bien des marges de manoeuvre aux institutions. J'ai appris aussi l'art de l'understatement. Quand un délégué commence par vous dire que vos propositions sont une «bonne base de travail », c'est que vous avez échoué à convaincre et que vous en prenez pour des semaines avant d'espérer aboutir à vos fins. C'est une école de la patience et de la persévérance. Le problème est que souvent, le reste du monde et ses crises n'attendent pas. J'espère que les choses se sont améliorées depuis.
Etre un diplomate « national », qui plus est d'un Etat qui laisse peu indifférent (et c'est, pour nous, français orgueilleux, un motif de satisfaction), n'a jamais été un problème. Il s'agissait de s'adapter aux pratiques des institutions, d'en percer les codes mais aussi d'essayer, l'air de rien, de transmettre certaines méthodes d'analyse et de travail des diplomaties nationales. En ce sens, j'espère avoir, aux côtés de Nick Westcott, réussi une partie de ma mission. Car au final, tout le monde y gagne.
Depuis 2013, je travaille au cabinet de M. Fabius, Ministre des affaires étrangères et du développement international. Je suis conseiller Afrique. Mon expérience bruxelloise me sert beaucoup, plus encore que je l'avais anticipé. Pas un dossier dont je m'occupe qui n'ait de ramification européenne. Alors, j'ai cette chance d'avoir une idée concrète du fonctionnement des choses au rond-point Schuman et à l'échelon des délégations, qui est essentiel. J'ai le plaisir aussi de connaître bien des collègues au SEAE, chez DEVCO ou ECHO et la chance d'y avoir de très nombreux amis. Au Sahel comme en Centrafrique, dans la Corne comme dans les Grands Lacs, nous travaillons bien ensemble et commençons à faire évoluer, dans le bon sens, nos approches. Mais l'ampleur des défis est telle que nous devons faire plus et mieux. Je saisis donc cette occasion pour dire aux collègues du SEAE qu'ils sont les bienvenus à Paris et féliciter l'équipe rédactionnelle de la MD Afrique pour son bulletin, lu attentivement ici aussi.