Maroc: Remarques du Haut Représentant/Vice-président Josep Borrell lors de la conférence de presse conjointe avec le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita
Seul le texte prononcé fait foi!
Merci [cher] Ministre, merci cher Nasser [Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger].
Tu sais bien que le Maroc est un pays qui m’est particulièrement cher pour beaucoup de raisons. Mais, comme disait un chanteur belge, « les temps sont difficiles ».
Oui, les temps sont difficiles et nous faisons face à beaucoup de problèmes. Mais malgré cela, j'ai voulu que ma première visite [au Maroc] en tant que haut représentant se fasse au début de l'année parce qu'il y a déjà trois ans - et c'était déjà trop long - sans rendre visite au Maroc. Donc merci beaucoup cher ami, Nasser Bourita, pour l'accueil chaleureux qui m'a été réservé.
Comme tu l’as dit, nous venons d'avoir des échanges ouverts et fructueux entre amis qui peuvent se dire quelles sont leurs positions dans un partenariat qui, comme tu l'as dit, est basé sur des valeurs, pas seulement sur des intérêts - aussi - mais sur des valeurs. Et je remercie le Chef du gouvernement, Monsieur [Aziz] Akhannouch pour m'avoir fait l'honneur de s'entretenir avec moi ce matin et j'espère avoir l'occasion aussi d’échanger avec le conseiller de Sa Majesté, le Roi Mohammed VI, Monsieur [André] Azoulay et avec certains de tes collègues au gouvernement.
Mais avant d'entrer dans les choses sérieuses, je pense que je dois commencer par féliciter le Maroc pour le parcours exceptionnel des Lions de l'Atlas pendant la dernière coupe du monde. Et je le dis en venant d'un pays qui a été battu par les Lions de l'Atlas. D'ailleurs, rien que les appeler des Lions de l'Atlas, c'est déjà de la guerre psychologique parce que ça fait peur ! Le Maroc a très bien joué et je dois féliciter les footballeurs et le pays tout entier. Donc Mabrouk, cher Nasser [Bourita], Mabrouk. Vous le méritez.
Comme tu [le] disais, l’Union européenne et le Maroc, nous avons bâti, au fil des années, un partenariat qui est solide, qui est stratégique et qui est basé sur des actions communes et concrètes, pas seulement sur la rhétorique et les jolis mots, mais sur des choses qui comptent, sur les faits, sur les ressources financières et les échanges technologiques, sociologiques et culturels.
Il y a presque 5 millions de Marocains qui habitent en Europe - et en Espagne, mon pays, seulement en Espagne, c'est presque 1 million. Comment nos liens ne pourraient-ils pas être fertiles. Et permettez-moi de vous dire que nous, l'Union européenne, nous nous considérons un partenaire fiable du Maroc et que nous considérons le Maroc parmi les partenaires les plus dynamiques et les plus proches de nous. Ce partenariat se joue par des initiatives. Je pense qu’il joue un rôle moteur dans l'espace euro-méditerranéen et dans la mise en œuvre du nouvel Agenda pour la Méditerranée. Et je dois te féliciter Ministre [des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita] pour tes interventions quand les Méditerranéens se réunissent autour de la table. Elles sont toujours remarquables et remarquées.
Sans aucun doute, le Royaume du Maroc est le partenaires du Sud de la Méditerranée qui a mis en œuvre des politiques de convergence avec l'Union européenne [parmi] les plus puissantes. Et les faits sont là. Deux tiers du commerce extérieur du Maroc se fait avec l'Union européenne. Nous sommes le plus important partenaire commercial et plus de la moitié de tous les investissements étrangers qui se font au Maroc vient de l'Europe. Plus de la moitié des investissements étrangers et deux tiers du commerce extérieur. C'est un palmarès difficile à surmonter [dépasser].
Vous êtes aussi le bénéficiaire le plus important de la coopération de l'Union européenne dans la région. Dans la période 2014-2020, ça représentait 1,4 milliard d'euros. Et dans la période 2021-2027, on va passer de 1,4 [milliard d'euros] à 1,6 [milliard d'euros]. Dans ces temps de pénurie financière, le fait d'augmenter de 15 % nos apports financiers, c'est quand même aussi remarquable.
Et même quand on traverse des moments difficiles, comme cela a été le cas avec la pandémie, et maintenant que l'Europe fait face à une guerre dans ses frontières de l'Est, ce partenariat prend plus d'importance. Cette guerre transmet des onde de choc qui touchent tout le monde, qui nous ont touché nous Européens et vous Marocains. Et je pense que seulement ensemble, nous pourrons faire face à ces défis multiples et de façon coordonnée et responsable.
Dans ce contexte, je souhaite réitérer l'engagement fort de l'Union européenne pour ce partenariat et notre volonté de l'élargir, de l'approfondir et de faire le nécessaire pour préserver son cadre juridique. Nous travaillons dans un cadre d'État de droit. Nous devons respecter les décisions des tribunaux, préserver le cadre juridique et l'adapter quand nécessaire. Ceci bien sûr, dans le respect des règles du droit international, du droit communautaire. Bâtir une vision toujours plus ambitieuse de notre partenariat, tu l'as souligné, je te rejoins.
Mais comme tu l’as dit aussi, il faut mettre en œuvre les engagements. Il faut faire en sorte que la lettre écrite sur un papier devienne quelque chose que les citoyens puissent percevoir dans leur vie quotidienne. Il faut passer des mots à l'action dans beaucoup de domaines: la lutte contre les changements climatiques, la transition énergétique - avec ce partenariat vert que l’on vient de signer - l'engagement de l'Union européenne à accompagner le Maroc dans ses réformes structurelles, notamment dans le domaine de la protection sociale, de la santé et de l'éducation, en suivant la vision de Sa Majesté le Roi [Mohamed VI] qui s'est exprimé beaucoup de fois sur ce sujet et sa volonté de faire aller de l'avant le Maroc dans ces domaines social, sanitaire et éducatif; de la volonté de faciliter l'engagement de plus d'investisseurs européens au Maroc, de soutenir la jeunesse marocaine, du partenariat de longue date déjà pour la gestion de la migration et de la réflexion en cours pour que notre coopération s'étende à de nouveaux domaines comme le numérique.
Permettez-moi de profiter de cette occasion pour féliciter le Maroc pour son élection au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. C'est une élection importante, dans une institution importante. C'est un mandat important qui comporte des responsabilités particulières en matière de promotion et de protection des droits de l'homme et comme tu [Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger] l’as dit, vous y êtes attachés, nous y sommes attachés, notre partenariat se base sur des valeurs, nous attachons une grande importance à la protection des droits fondamentaux, des défenseurs de droits de l'homme, des droits fondamentaux comme la liberté de presse et d'expression et nous travaillons ensemble avec le Maroc sur ces sujets.
Nous avons aussi échangé sur les anciens et les nouveaux défis géopolitiques auxquels nous faisons face. Nous avons parlé du Maghreb et bien sûr de la Libye. Bien sûr, là le Maroc joue un rôle important. Du Sahel on en parlera, de l'Iran, mais surtout de l’événement pour les Européens, le plus important de l'année qui vient de finir, et je crains fort, qui le sera encore pour l'année qui commence. Je parle évidemment de l’agression injustifiée de la Russie contre l'Ukraine. Et voilà, la Russie, un pays membre permanent du Conseil de sécurité, a violé les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies. Il a envahi son voisin pacifique sans raison ni motif. Cette guerre ne menace pas seulement l'Ukraine ou l'Europe: [elle] est un défi majeur pour le monde entier. Elle met en péril la sécurité alimentaire. Elle met en péril l'énergie pour des millions de personnes dans le monde entier.
La propagande russe prétend que nos sanctions seraient responsables de ces difficultés. Je profite de cette occasion pour dire à nouveau que c'est un mensonge, nos sanctions ne visent pas du tout, absolument pas, en aucune manière, les exportations de céréales ou d'engrais russes. Ça a été la Russie qui a ciblé les ports, les routes, les silos de grains en Ukraine et [qui] continue à lancer des attaques, des missiles et des drones contre les villes, les quartiers où les habitants habitent et essaient de détruire toute l'infrastructure civile pour que les Ukrainiens plongent dans le froid et le noir.
Nous allons continuer à aider l'Ukraine. Nous avons adopté des sanctions sans précédent. Nous avons décidé un embargo sur le charbon et les pétroles russes et nous nous sommes libérés pratiquement, totalement, de la dépendance énergétique vis à vis de la Russie. Le peu qui reste sera éliminé pendant cette année.
Dans ce contexte, Ministre [des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita], la voix du Maroc compte beaucoup dans les efforts engagés pour arrêter cette guerre, pour atténuer son impact économique et humain. C'est bien de voir que le Maroc a condamné l'annexion de plusieurs provinces ukrainiennes quand il a été question de voter aux Nations unies.
Évidemment, nous avons abordé la question du Sahara occidental. Je sais à quel point c'est une question existentielle pour le Maroc et nous comprenons l'importance fondamentale de ce sujet pour le Maroc. Je vais répéter ici que l'Union européenne soutient le processus des Nations Unies et les initiatives de l'envoyé personnel du Secrétaire général [pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura] visant à parvenir à une solution politique qui soit juste, réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable et qui repose sur le compromis en conformité avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Nous avons pris note et nous valorisons beaucoup les efforts sérieux et crédibles menés par le Maroc à cet effet et nous encourageons toutes les parties à poursuivre leur engagement dans un esprit de réalisme et de compromis dans le contexte d'arrangements conformes aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
Évidemment, dans l'entretien que nous avons eu avec le Ministre [des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser] Bourita et aussi avec le Chef de gouvernement [Aziz Akhannouch] ce matin, nous avons évidemment abordé l'enquête en cours pour des allégations de corruption contre des membres du Parlement européen, dont la levée de l'immunité parlementaire a été demandée. Évidemment, nous sommes préoccupés par ces événements dont la presse s'est fait écho. Ils sont inquiétants et les accusations sont graves. La position de l'Union européenne est claire: il ne peut pas y avoir d'impunité pour la corruption, zéro tolérance pour ça. Nous devons attendre le résultat des investigations en cours de la part des autorités judiciaires qui doivent amener toute clarté sur ces événements et nous attendons la pleine collaboration de tout le monde dans cette enquête.
Pour finir, je voudrais annoncer que nous avons convenu de lancer deux nouvelles initiatives qui vont renforcer notre partenariat: un dialogue de haut niveau en matière de sécurité qui se tiendra à Rabat prochainement et une coopération renforcée dans les instances multilatérales entre l'Union européenne et le Maroc. Parce que, sans [aucun] doute, l'architecture internationale multilatérale doit être revue et des initiatives portées ensemble par des pays du Nord et du Sud ont toute leur place dans ce processus de renouvellement. Nous avons beaucoup de sujets à explorer pour approfondir notre partenariat. Permettez-moi, Ministre [des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita], de [le] souligner encore une fois, nous devons capitaliser sur nos acquis communs pour regarder vers un avenir encore plus amical.
Merci [cher] Ministre [des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita].
Lien vers la vidéo (à partir de12:12 ) : https://audiovisual.ec.europa.eu/en/video/I-235593