Participation citoyenne et innovation : un engagement de passion et de raison

« Tamuri » qui veut dire « citoyenneté » en Amazighe est un des trois volets du programme d’appui à la participation citoyenne financé par l’Union européenne, lequel s’inscrit dans le cadre du partenariat Maroc- UE pour la société civile.
Portée par le Centre marocain pour l’Innovation et l’Entrepreneuriat social (MCISE), « Tamuri » vise le renforcement des acteurs de la société civile (associations structurées et initiatives naissantes) dans 5 cinq régions du Royaume : Casablanca-Settat, Tanger Tétouan-Al Hoceima, Souss-Massa, Béni Mellal Khénifra et l’Oriental.
Lancé en avril 2022, le projet doté d’une méthodologie innovante pour ces associations (incubation d’idées, réseautage et accompagnement pour la conception de modèles économiques) a pu, au bout de sa première année, mobiliser 2400 candidatures individuelles et 110 candidatures des organisations de la société civile.

 

C’est lors d’une journée « DemoDay » organisée au Technopark de Casablanca, que 20 acteurs de la société civile ainsi que des initiatives individuelles, des 5 régions cibles du Royaume se sont vus attribuer des fonds d’amorçage de leurs projets allant de 20.000 dH à 100.000 dH. Après un parcours qui a duré une année, ponctué de différentes étapes de sélection, de renforcement des capacités et de réseautage, les 20 acteurs ont été sélectionnés parmi une cinquantaine qui a été jugée éligible au financement pour ce premier cycle de programme.

Un processus de sélection dynamique : Hackathon, incubation et réseautage

MCISE a d’abord lancé une première étape de sélection que sont les hackathons. Une sorte de compétition entre les différents candidats permettant l’émergence d’une intelligence collective. Les hackathons rassemblent des candidats de différents secteurs d’activités et ayant différentes expertises. Ces derniers collaborent ensemble, avec l’appui des animateurs, pour réfléchir aux problématiques posées et proposer des solutions adaptées. Ce premier cycle a connu la participation de 286 participant.e.s (âgés entre 25 et 40 ans) dont 35% sont des femmes.

Après cette première étape de sélection, vient la phase des bootcamps qui est organisée en trois temps. Les bootcamps sont des sessions de formation et de coaching destinés aux associations en fonction de leurs besoins. Un total de 15 bootcamps ont été organisés dans les 5 régions.

Parallèlement à ce processus bien ficelé d’accompagnement des candidats, le projet Tamuri a créé également dans ces mêmes régions un environnement propice à la naissance des ambitions créatives des jeunes. Plus de 70 évènements d’échange virtuels et présentiels ont été organisés
: Dare'Dacha, Dare'Train, Dare'Dkika, Dare'Zen, Dare'Fen, des talks formateurs, libérateurs, créatifs mais surtout des espaces de réseautage pour porter les ambitions et les idées des jeunes citoyens des régions cibles.

Au terme de ce processus, 20 projets ont été sélectionnés gagnants (3 de la région de Casablanca- Settat, 4 de la région du Souss Massa, 4 de la région de l’Oriental, 6 de la région de Béni Mellal Khénifra et 3 de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima) qui touchent à différents thèmes (environnement, éducation, santé, etc.) et ont pu, grâce au projet Tamuri, développer des initiatives répondant aux besoins de leurs communautés, comme en témoignent les récits des porteurs.euses d’idées que nous avons rencontrés :

Région de Casablanca Settat : Kabilaty, un suivi à domicile des femmes enceintes, en totale coordi nation avec les acteurs publics locaux.

Bouchra Kamal Idrissi, est diplômée en obstétrique et a fait une longue carrière à la délégation de la santé du Ministère de la santé. Elle a fondé l’association santé et développement Benslimane en 2019 dont elle est aujourd’hui présidente.

« Cela fait des années que je travaille sur la question de la santé maternelle aussi bien au niveau professionnel qu’associatif. C’est un dossier que je connais bien. Mais je n’ai jamais pensé à ce projet Kabilaty (ma sagefemme), c’est un nouveau-né du programme Tamuri où l’équipe m’a encouragée à le concevoir afin de ne pas dépendre dans mon action associative des aides financières », explique-t-elle.

« La province de Benslimane est une subdivision rurale de la région de Casablanca Settat qui ne dispose pas d’infrastructure hospitalière suffisante pour assurer le suivi de grossesses. Nous avons constaté au sein de notre association qu’il y a un besoin pour détecter les grossesses à risques et pour orienter vers leur prise en charge. Nous proposons 4 packs de suivi pour les femmes enceintes incluant 6 visites durant la période de grossesse (examen clinique et obstétrical, examen biologique, conseils, examen échographique) » explique Bouchra Idrissi.

« Nous souhaitons intervenir pour compléter les actions de santé de proximité pour les citoyens, en complémentarité avec les politiques publiques et dans le respect des directives du ministère de la santé. Nous accompagnons et orientons les femmes vers l’infrastructure mise en place dans la carte de santé pour l’accouchement et pouvons revenir par la suite pour le suivi postpartum », ajoute la présidente de l’association.

Pour Bouchra, Tamuri n’est qu’une étape. Le projet Kabilaty vise les zones périurbaines et urbaines de la province de Benslimane, mais l’association intervient également dans le milieu rural à travers des actions de sensibilisation en mobilisant un large réseau de partenaires pour cela.

Région de l’Oriental : inclusion digitale en faveur de l’administration et des jeunes

Younes El Badraouy, est un jeune passionné par le numérique qui s’est fixé le défi d’en faciliter l’accès à ses concitoyens. Il a fondé en 2022 l’association Les voies du numérique, qu’il préside actuellement.

« À Berkane, beaucoup de citoyens et même des fonctionnaires, n’arrivent pas à suivre la politique de digitalisation des procédures administratives dans laquelle s’est engagé le Maroc. La réalisation de ces procédures administratives en ligne (demande de passeport, de CIN, etc.) est devenue une prestation de service que pas tout le monde a les moyens de s’offrir. L’idée du projet Soboly est issue de cette problématique. Notre association les voies du numérique a pour mission d’assurer une inclusion digitale des citoyens et de l’administration » introduit Younes El Badraouy pour présenter son projet.

« Nous avons identifié à notre niveau 160 applications auxquelles les citoyens ont souvent recours et notre projet est de faire des packs de formations ciblées à la fois pour l’accompagnement de l’administration et pour les citoyens », développe le président de l’association.

« Nous avions déjà commencé à organiser des formations dans les écoles, et nous essayons de construire des partenariats avec les autorités qui à chaque lancement d’une nouvelle application nous appellent pour les accompagner à promouvoir ces applications auprès des habitants (exemple de registre des habitants, le rendez-vous à distance, l’aide aux transporteurs, etc.) »

« Pour le projet appuyé dans le cadre de Tamuri, nous nous sommes concentrés sur la cible des citoyens et nous avons proposé 3 packs de formation. Ce projet n’est qu’un début ! Ce financement nous permettra de mettre en place une plateforme d’e-learning pour nos cours en ligne », ajoute fièrement Younes.

Béni Mellal-Khénifra, une solution contre le gaspillage de l’eau : un lavage de voiture à la vapeur

Mohamed Ali El Mouftari, Président de l’association Yanbouaa a créé et développé une machine de lavage de voitures à la vapeur pour éviter le gaspillage d’une ressource de plus en plus précieuse dans la région.

« Smart Car Wash est une solution de lavage de voiture à la vapeur pour éviter le gaspillage
d’eau dans une région où l’eau devient une denrée plutôt rare. Nous gaspillons plus de 300 litres d’eau pour le lavage de chaque voiture, chose qui n’est plus possible dans les circonstances de la sècheresse. Cela touche à la fois les acteurs économiques (services de lavage de voiture) et les citoyens car 35 % des lavages de voiture ont été fermés dans la ville de Béni Mellal
» explique Mohamed Ali.

« J’ai donc fait des recherches pour voir quelle est la meilleure manière de réduire l’usage d’eau au maximum. J’ai pensé à la solution Smart Car Wash qui est une solution de vaporisation d’eau. Nous avons fabriqué un prototype que nous avons présenté au projet Tamuri et nous souhaitons avec l’appui financier pouvoir acheter les pièces pour monter d’abord 3 modèles, puis lancer la commercialisation. Notre projet inclut toute la chaine de production jusqu’à la distribution dans trois packs différents : Pack individuel, pack lavage mobile et pack professionnel », élabore Mohamed qui, sur cet élan, a également créé avec d’autres jeunes, l’association Yanbouaa pour sensibiliser à la question de l’usage de l’eau.

Ainsi, Kabilaty, Soboly et Smart Car Wash sont un échantillon d’une grande dynamique de projets qui a fait un chiffre d’affaires total de plus de 3 millions de dirhams dans le cadre du projet Tamuri. Ces projets déployés dans les différentes régions ciblées, témoignent non seulement de la créativité des acteurs des territoires, mais aussi de la dynamique initiée par le le partenaire MCISE avec l’appui de l’Union européenne, qui ne manque pas de mettre au défi le cadre d’intervention de ces acteurs associatifs et de leur engagement pour le développement de l’entrepreneuriat social.