Participation citoyenne : une dynamique en marche

La participation citoyenne est une pratique démocratique qui consiste à associer les citoyens au processus de décision politique, en dehors des processus électoraux. Elle se compose de plusieurs mécanismes participatifs de dialogue et de concertation notamment qui sont de deux catégories : ceux prévus par la loi ; le droit de motion et de pétition, les instances consultatives auprès des régions, des provinces ou des communes et d’autres mécanismes non prévus par la loi tels que le budget participatif, les Conseils de quartier, les plateformes digitales etc.

 

Le programme d’appui à la Participation citoyenne s’inscrit dans la continuité des appuis de l’UE auprès de la société civile et des collectivités territoriales. Il vise à renforcer le cadre institutionnel de la participation citoyenne et à impliquer davantage la société civile dans les prises de décision des communes, dans régions : Casablanca-Settat, l’Oriental, Souss- Massa, Tanger-Tétouan-Al Hoceima et Beni Mellal— Khénifra.

Nous sommes partis à la rencontre des acteurs locaux qui nous ont fait part de leur travail dans leurs régions. Qu’il s’agisse d’une pétition, d’un Conseil des femmes ou bien d’un Conseil des enfants, les acteurs de la société civile font preuve d’une écoute attentive et de capacités d’innovation pour répondre aux besoins de leurs concitoyens.

À Larache, une expérience pionnière dans la mise en œuvre du principe de participation des enfants

Si l’article 120 de la loi organique 113-14 relative aux communes prévoit uniquement l’obligation de « la mise en place d’une Instance d’équité, d’égalité des chances et de l’approche genre », la commune de Larache a innové en introduisant le Conseil de l’enfance.

« La création du Conseil de l’enfance est une première initiative de la Commune de Larache, dont l’objectif est de mettre en application le principe de participation des enfants aux politiques publiques inscrit dans la Convention Internationale des droits de l’enfant) », explique l’élue communale, Mme Rahal.

Le Conseil est constitué d’une vingtaine d’enfants, âgés entre 13 et 17 ans, et qui sont des élèves des collèges et lycées de la ville de Larache. Les membres ont été identifiés grâce à un partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale.

Afin de garantir un bon fonctionnement de conseil de l’enfance, les élus de la commune ont assuré des sessions de formation en faveur de ces enfants, sur les rôles de la commune et leur rôle en tant que membres de ce Conseil. Une des expériences les plus marquantes raconte Mme Rahal est l’implication des enfants dans la réflexion au réaménagement d’un espace qui faisait fonction d’une pépinière, à l’entrée de la ville de Larache. « Nous avons été étonnés par la capacité de réflexion et d’innovation de ces enfants. Ils avaient des propositions extraordinaires » s’exclame Mme Rahal.

Le Conseil des enfants a proposé la conversion de cet espace en un parc de jeu pour enfants, une proposition qui a été introduite à l’ordre du jour du Conseil de la commune et acceptée à l’unanimité. Aujourd’hui, cet espace parc pour enfants a été effectivement créé, et des ressources supplémentaires sont nécessaires pour son aménagement.

À Martil, un souk pour les femmes qui travaillaient à Bab Sebta

L’association Tawaza conduit un travail de proximité avec les femmes de la ville de Martil, comme par exemple l’organisation d’ateliers dans les quartiers de la ville pour identifier les problèmes rencontrés par les citoyens et proposer des solutions.

L’association a bénéficié du programme « Moucharaka Mouwatina » de l’Union européenne (2018-2020) qui a appuyé les organisations de la société civile dans les domaines de la jeunesse, de l’égalité homme-femme et de l’environnement. « Moucharaka Mouwatina » a été une opportunité pour concrétiser les propositions identifiées par Tawaza.

« L’association a créé un conseil des femmes issues des quartiers où des concertations ont eu lieu. Nous avons d’abord formé les membres du conseil aux concepts de la démocratie participative et à la gestion communale afin de leur permettre de participer au plan d’action de la commune », indique Fatima Zahra Allouche, présidente de l’association.

Cette dynamique de concertation des quartiers de Martil, notamment avec les femmes, a abouti à la proposition quasi unanime de créer un souk exemplaire pour les jeunes et les femmes afin de répondre à la crise économique que vivaient les familles, notamment, suite à la fermeture de Bab Sebta en raison de l’Etat d’urgence sanitaire lié à la COVID19.

Pour mettre en œuvre cette proposition, l’Association Tawaza a déposé la pétition à la commune de Martil pour la création de ce souk, la première du genre à être adressée à la commune depuis l’adoption de la loi relative aux pétitions.

« Nous avons veillé lors de cette démarche d’être à l’écoute des citoyens, et d’avoir une approche de proximité et d’échange avec les services de la commune. Nous avons tenu plusieurs réunions avec ces services afin de leur expliquer la démarche de l’association et l’objectif de la pétition », indique Mme Allouche.

La pétition pour la création d’un souk exemplaire pour les femmes de la commune de Martil a été votée à l’unanimité par les membres du Conseil de la commune, suite à un plaidoyer de l’association sur les réseaux sociaux et directement envers les élus.

Votée par le Conseil communal à la fin de son mandat, cette initiative reste à être concrétisée ; « l’actuel Conseil de la commune a promis, lors d’une réunion avec les associations féministes, de veiller à trouver les fonds nécessaires pour la mettre en œuvre », explique Mme Allouche.

À Khouribga : pour un espace d’entrainement des Break dancers

Écouter les jeunes Street artistes et danseurs dans la ville de Khouribga, les former et les engager dans une action associative organisée est une expérience pionnière que l’association Maroc Avenir a menée avec courage et patience. « Nous avons commencé d’abord par faire confiance aux jeunes afin qu’ils puissent sortir des préjugés qu’ils ont des associations, s’ouvrir à nous et nous témoigner de la même confiance » explique Abdelhadi Hanine, président de l’association Maroc Avenir ; et ce, en organisant des ateliers pour écouter les attentes de ces jeunes et les problèmes qu’ils confrontent et réfléchir à des solutions.

Une des premières rencontres qui a donné ses fruits est celle organisée avec l’appui de « Khouribga Skills Centre » (centre de formation de l’Office chérifien des phosphates) qui a mis à disposition une salle pour les répétitions des performances artistiques de ces jeunes. « Nous avons constaté un grand changement dans le comportement des citoyens vis-à-vis de la pratique de ce sport. Nous avons été étonnés de l’intégration des jeunes filles dans la dynamique, accompagnées même de leurs parents », déclare fièrement M. Hanine.

L’Association Maroc Avenir a par la suite déposé une pétition pour la création d’un espace d’entrainement pour les jeunes auprès des autorités locales.

La pétition a été acceptée par le Conseil communal qui a émis une décision pour la création d’un espace d’entrainement pour les jeunes et a été soumise à une demande de financement. Une convention a bien été signée entre la commune et l’association et le projet n’est pas encore finalisé « Ceci dit, même si ce projet n’a pu être finalisé, nous avons beaucoup gagné : un changement de mentalité vis-à-vis de ces sports, la participation des jeunes à plusieurs compétitions nationales et internationales où ils ont même gagné, l’intégration d’une dizaine de jeunes à l’école du cirque et à l’école des Arts de l’OCP, mais surtout le plus grand gain est celui de la réhabilitation de la confiance dans les associations car ces jeunes se sont organisés dans une association pour prendre en charge leurs propres besoins et ambitions », conclut le président de l’Association Maroc Avenir.

L’Association a, à ce jour, déposé 7 autres pétitions auprès des autorités, convaincue de la capacité des associations dans le changement de la pratique de gouvernance au niveau local, et ce, dans « une logique d’écoute mutuelle et de dialogue continu entre les différents acteurs du territoire. », appuie M. Hanine.

De ces trois expériences, nous avons fait le constat d’une volonté accrue que cela soit des élus ou des acteurs associatifs, de s’engager dans une nouvelle dynamique d’échange et de dialogue et d’aller de l’avant pour co-construire une vision de leur territoire. Ces premières rencontres auront ainsi permis de se rendre compte de la richesse des initiatives associatives caractérisée par une forte participation des jeunes et une augmentation de la participation des jeunes filles et des femmes. Une dynamique où la formation et la sensibilisation des acteurs est le levier principal pour dynamiser davantage les différents mécanismes de participation citoyenne au niveau local.