Agression russe contre l'Ukraine: discours du haut représentant/vice-président Josep Borrell lors de la séance plénière du PE

05.04.2022
Brussels

Monsieur le Président du Conseil européen [Charles Michel], Madame la Présidente du Parlement européen [Roberta Metsola], Madame la Présidente de la Commission [Ursula von der Leyen], Président [de l’Ukraine, Volodymyr] Zelenskyy, Président du Parlement ukrainien [Ruslan Stefanchuk],

Mesdames et Messieurs les députés,

Je vais tenter de vous exposer mes pensées sur la signification des événements tragiques que nous vivons et des leçons que nous pouvons d’ores et déjà en tirer, notamment pour la politique de sécurité et de défense commune que j'ai l'honneur d’essayer de développer et qui demeure intergouvernementale. Cette politique reste aux mains des États membres, mais elle ne peut pas être mise en œuvre de manière efficace sans l’étroite coopération de la Commission dans le cadre de ses compétences. Je pense que nous sommes arrivés à un moment où l'Europe géopolitique fait ses premiers pas.

Ça, c’est l’acte de naissance de l’Europe géopolitique. Le moment où nous prenons conscience du défi auquel nous faisons face. Le moment auquel l’Europe doit faire face à ses responsabilités. Le moment où nous prenons conscience que, pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, un pays envahit un autre, et ce pays possède l’arme nucléaire, ce qui augmente sa capacité d’intimidation. Cela me rend malade de penser à l’analogie historique avec les évènements du début de la Seconde guerre mondiale.

Mais c'est vraiment le retour de la tragédie, ce à quoi l’Europe est confrontée aujourd'hui. Mais le retour de la tragédie ne doit pas nous effrayer; au contraire, elle doit nous galvaniser.

Tout d'abord, elle dissipe l'idée que le projet européen avait perdu de son élan, parce que l'horizon de la guerre s'était éloigné. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Tout ceci nous rappelle que le mal, la tragédie et la guerre ne disparaissent jamais totalement. Ce dont il est question, c’est le rapport à la guerre, à l’usage de la force, à la violence, dont nous parlons depuis des années, pour savoir si l'Europe peut y faire face. C’est pourquoi, ces dernières années, nous avons davantage parlé de questions de défense que par le passé, et nous avons commencé à mettre sur pied des programmes militaires conjoints. C'est la raison pour laquelle le Parlement européen lui-même a voté en faveur de la mise en place du Fonds européen de la défense; et les États membres ont créé la facilité européenne pour la paix, qui nous permet aujourd’hui de fournir des armes à l'Ukraine.

Au cours des prochaines semaines, le Conseil européen adoptera la boussole stratégique. Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous devons amplifier notre réflexion, ajuster nos moyens et anticiper nos réponses. Parce que l'une des leçons que nous avons dû tirer de l'invasion de l'Ukraine, c’est que, plus que jamais, l'Europe doit penser de manière stratégique à ce qu'elle est, à son environnement et au monde entier. Ce n'est plus un luxe, c'est une nécessité. L'Europe doit amplifier sa réflexion sur les questions de sécurité, et le Parlement européen a eu un rôle important à jouer à cet égard. Nous devons réfléchir à un instrument de coercition, de représailles et de contre-attaque face à des adversaires irresponsables, car ce qu'il faut comprendre, c'est que pour parvenir à la paix, il faut être deux, mais pour faire la guerre, un seul suffit. C’est exactement ce que Monsieur Poutine nous enseigne aujourd’hui. Et c'est pourquoi nous devons augmenter substantiellement notre capacité de dissuasion. Nous devrons augmenter notre capacité de dissuasion pour éviter la guerre. Il est évident que notre force de dissuasion n’a pas été suffisamment puissante, pour empêcher l’agression de Monsieur Poutine. Depuis le début de l’agression, nous avons réagi ces quelques derniers jours d’une façon que Monsieur Poutine n’attendait pas. Nous sommes en train de lui montrer que jamais, nous ne sacrifierons notre liberté ni la liberté d’autrui sur l’autel de notre bien-être et de notre prospérité.

Alors que j'étais président de ce Parlement en 2007, j'ai eu l’occasion de dire ceci à Monsieur Poutine, les yeux dans les yeux, après l'assassinat d'une journaliste, Anna Politkovskaya: «Nous n'allons pas changer nos droits de l'homme à cause de votre gaz». Aujourd'hui, il est temps de le redire et de joindre nos actes à la parole. Nous n'allons pas composer, nous n’allons pas abandonner la défense des droits de l'homme et notre liberté, parce que nous sommes plus ou moins dépendants de la Russie. Nous devons nous mettre au travail rapidement, comme la Commission l'a proposé, pour mettre fin à cette dépendance. Samedi dernier, après avoir présidé un autre Conseil des affaires étrangères et après avoir participé au débat du Conseil de l’Union européenne, j'ai parlé avec vous, Président Michel, et vous m'avez dit: «Est-ce que nous faisons vraiment tout ce que nous pouvons? Pouvons-nous faire quelque chose de plus? Est-ce que cela suffit? Sommes-nous si démunis?». Puis, vous m’avez dit: «Il faut réfléchir, faire, agir. Nous devons pousser les États membres à adopter des décisions concernant SWIFT et exclure la Russie du système financier. Réfléchissons à la façon dont nous pouvons armer l’Ukraine. Pas chaque pays de son côté, l'un après les autres, de manière non coordonnée». Et vous m'avez encouragé à parler de nouveau avec les États membres.

En quelques heures, nous nous sommes mis d'accord sur l'utilisation de la facilité européenne pour la paix afin d’apporter une aide financière et de coordonner l’action des États membres dans le but d’armer l'Ukraine et le peuple ukrainien. En moins de 24 heures, nous avons mis fin à un autre tabou. La présidente de la Commission a immédiatement et résolument pris l’initiative et s’est mise au travail pour trouver un accord avec nos partenaires internationaux, de façon à pouvoir exclure la Russie du système financier. Et vous savez quoi? Maintenant, la Banque centrale de Russie a entièrement perdu le contrôle de la moitié de ses réserves; ces avoirs sont gelés. Imaginez un peu! C'est ça, la capacité de coercition. Il y a trois jours, c'était impossible; aujourd'hui, c'est possible. La Russie commence à en ressentir les conséquences au niveau de l’inflation et de la chute de sa monnaie.

Oui, nous en avons les capacités. Nous avons mobilisé ces capacités, et nous devons continuer à le faire, en mettant en commun les capacités des États membres et de l’Union européenne.

Je voudrais vous rappeler que la facilité européenne pour la paix ne fait pas partie du budget que vous votez. Il s’agit d’un autre budget. C'est un fonds intergouvernemental, qui est géré par les États membres. Car nous déclarons que nous, l'Union européenne, sommes une force de paix et que nous ne pouvons pas fournir des armes à qui que ce soit. Oui, nous le pouvons. Oui, nous l'avons fait. Lors du prochain budget, pensez-y. Lorsque vous voterez votre prochain budget, utilisez la capacité budgétaire de cette institution pour donner les moyens de faire face à la prochaine crise et à la prochaine agression russe.

On est en train de travailler au niveau international pour bâtir une coalition pour condamner la Russie aux Nations unies. Elle [la Russie] n’a pas reçu un seul vote en sa faveur. Tout le monde a voté en faveur [de la résolution], et il y eu quelques abstentions qui sont très significatives.

Il y a eu des pays, qui sont les alliés traditionnels de la Russie, qui n'ont pas voté en sa faveur, qui se sont abstenus. Il faut maintenant construire une coalition internationale pour que, lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, ce soit le monde entier qui condamne l'agresseur. Personne ne peut détourner le regard.

Lorsqu’un agresseur puissant s'en prend, sans aucune justification, à un voisin beaucoup plus faible que lui, comment peut-on parler de règlement pacifique des conflits? On ne peut pas mettre sur un pied d'égalité l'agresseur et l'agressé. Nous nous souviendrons de ceux qui, en ce moment solennel, ne sont pas à nos côtés.

Oui, nous avons utilisé notre capacité coercitive, notre capacité à imposer - pas forcément en prenant les armes. Quand je dis que l'Europe doit se doter du pouvoir de contraindre, les gens pensent uniquement au pouvoir militaire. Non, le pouvoir de contraindre s’exerce de bien d’autres façons. La capacité de fixer des conditions, la capacité de coercition, la capacité d’imposer à l’autre un comportement différent ne se concrétise pas seulement par les armes. Elle se concrétise comme la Commission [européenne] l’a proposé avec une extraordinaire efficacité - et je vous en remercie, Madame la Présidente [Ursula von der Leyen] - et comme vous avez incité à le faire lors des débats du Conseil européen, merci, Monsieur le Président [Charles Michel].

Prendre des décisions comme celle-là, qui semblent être des décisions de papier, qui ne mobilisent bien évidemment pas de missiles, mais qui ont un effet transcendantal sur la solvabilité d’un pays et empêchent la Russie de dépenser, pour alimenter la guerre, l’argent que nous lui versons pour son gaz,

c’est, je pense, Mesdames et Messieurs les députés, l’enseignement le plus important que nous devons tirer de ces circonstances tragiques. Nous ne pouvons pas continuer d’espérer qu’invoquer l'état de droit et développer des relations commerciales va convertir le monde en un lieu pacifique, où tout le monde va évoluer vers la démocratie représentative.

Les forces du mal, les forces qui se battent pour continuer d’utiliser la violence physique comme mode de résolution des conflits, sont toujours vivantes et, face à elles, nous devons démontrer une capacité d’action beaucoup plus puissante, beaucoup plus consistante et beaucoup plus unie que ce que nous avons été capables de faire jusqu'à présent.

Nous avons fait beaucoup, et nous avons, sans aucun doute, étonné le monde entier et surpris Monsieur Poutine par notre capacité de réaction rapide et unie. Il faut continuer sur ce chemin.

Et cet acte, ce moment parlementaire où, par vos applaudissements, vous voulez encourager les institutions européennes à poursuivre sur la voie que nous avons appris à suivre, peut être le moment où les Européens comprennent que le monde dans lequel ils vivent est un monde dangereux et, pour y faire face, il faut qu’ils renforcent leur Union.

La pandémie a ouvert la porte à des actions novatrices. La pandémie nous a amenés à nous unir davantage pour faire face aux virus. Ce moment tragique doit nous pousser à nous unir davantage pour faire face à des actions humaines qui menacent aussi la vie, la sécurité et la prospérité de tous.

Merci

Lien vers la vidéo (début à 9:30): https://audiovisual.ec.europa.eu/fr/video/I-219164

 

Discours de clôture

Madame la Présidente, cher collègue vice-président [chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, Maroš Šefčovič], Mesdames et Messieurs les députés,

Après l’agression menée contre l’Ukraine, la Russie est à un tournant de son ère post-soviétique. La Russie a mis fin à l’un des derniers maillons qui restaient de sa relation avec l’Union européenne. Ce maillon, c’étaient les accords de Minsk.

Le président Poutine y a mis fin. C’étaient des accords imparfaits, à bien des égards, durement conclus à un moment où il fallait arriver à un cessez-le-feu dans la guerre précédente. Néanmoins, ces accords consacraient l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le respect de ces accords, aujourd’hui devenu impossible, ouvrait une voie hypothétique vers une normalité des relations diplomatiques entre la Russie et l’Union européenne. Cette possibilité aujourd’hui n’est plus.

C’est la raison pour laquelle je dis que la Russie, aujourd’hui, en est à la croisée des chemins dans l’ère post-soviétique. Ce conflit terrible ne peut s’achever de manière satisfaisante qu’avec le retour de la Russie aux règles et aux principes fondamentaux du droit international. C’est une occasion que nous devons saisir, au sein de l’Union européenne, pour élaborer des mécanismes et des traités qui mettent en place des garanties de sécurité plus solides et des mécanismes qui permettent de vérifier leur mise en application.

Je voudrais vous rappeler, après l’enthousiasme d’une séance parlementaire, qu’en fin de compte, la voie de la négociation et le dialogue sont l’essence de ce qu’est l’Union européenne. Nous ne sommes pas une Union militaire. Et nous n’avons déclaré la guerre à personne. Nous sommes une Union d’États membres, qui a justement renoncé à la guerre comme mode de règlement des conflits. Nous ne sommes en guerre avec personne, mais nous sommes aux côtés de quelqu’un qui a été agressé; et nous sommes prêts à mobiliser toutes nos ressources diplomatiques en même temps pour défendre la sécurité de l’Europe, mais aussi pour trouver une solution au conflit. Car les sanctions sont nécessaires, inévitables, mais en plus des sanctions, il nous faut des solutions.

Ces sanctions auront des conséquences très importantes sur l’économie russe. Et Monsieur Poutine ne peut pas dire qu’il l’ignorait. Car nous l’avons prévenu, aussi bien la présidente [de la Commission européenne] Ursula von der Leyen à de nombreuses reprises que le président du Conseil européen [Charles Michel]. Combien de fois avons-nous dit que les sanctions auraient de lourdes conséquences et entraîneraient des coûts élevés? Il ne fait aucun doute que ce sera le cas. Le rouble s’est effondré de 40 %; le contrôle de presque la moitié des réserves de change de la Russie aura des conséquences énormes sur son économie. Parallèlement, exclure quelques banques du système SWIFT est moins important, parce que, en ce moment, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La Russie s’était préparée depuis longtemps pour faire face à une telle situation et avait retiré ses réserves en dollars et en euros pour les placer dans le yen et l’or. Lorsque la Russie a annexé la Crimée, 87 % de ses réserves étaient en dollars et en euros. Aujourd’hui, elles s’élèvent à environ 40 %, ce qui représente tout de même un montant élevé. Car 135 millions de réserves en or... cet or, il faudra être en mesure de le vendre. Pour cela, il faut que quelqu’un puisse l’acheter. Nos sanctions financières visent également à empêcher la mobilisation de ces ressources.

C’est la raison pour laquelle ces mesures financières sans précédent vont dans le sens d’un défaut potentiel, ce qui aura des conséquences sur le système financier mondial. Ne sous-estimons pas l’importance de ce que nous avons décidé de faire et la voie que nous suivrons - je tiens à souligner cela. Nous devons à présent déployer des efforts diplomatiques dans le monde entier, avec tous les pays, afin de créer un état d’esprit qui amène à condamner l’agresseur.

À cet égard, je puis vous assurer que moi-même, en tant que haut représentant, tous mes collègues membres du Conseil des affaires étrangères, toutes nos délégations, toutes nos ambassades, nous allons travailler sans relâche pour obtenir un résultat au vote de l’Assemblée générale [des Nations unies]. C’est la chose la plus importante que nous devons faire dès maintenant. Parce que - je le répète - c’est une question qui relève de la politique étrangère et de sécurité, qui est intergouvernementale, et ce sont les États membres qui doivent agir comme chefs de file dans cette réponse et dans la sphère diplomatique.

La deuxième chose qui a fait l’objet de discussion aujourd’hui - et c’est peut-être plus important que ce que beaucoup d’entre nous pourrait croire -, c’est notre dépendance au gaz. La présidente [de la Commission européenne, Ursula von der Leyen] n’a cessé de répéter que nous devons réduire cette dépendance. Mais cela fait 20 ans déjà que j’entends dire que nous devons réduire cette dépendance; or cette dépendance s’est accrue au cours des 20 dernières années.

Alors, à partir de maintenant, passons des paroles aux actes En effet, nous versons 700 millions de dollars pour le monde, pour le gaz et le pétrole, ainsi que pour les importations de charbon depuis la Russie. Et chaque année, nous importons 2 milliards de mètres cubes de gaz. Nous devons augmenter les énergies renouvelables, la présidente l’a dit, nous devons disposer d’hydrogène renouvelable. Mais il ne faut pas oublier que le volume d’énergies renouvelables dans un pays comme l’Italie s’élève à moins d’un demi-milliard de mètres cubes par an. Nous avons donc du pain sur la planche. Nous devons garder notre détermination à y arriver. Nous devons expliquer aux autres peuples ce que cela signifie. C’est une bonne occasion pour développer le meilleur volet, le volet le plus noble, de l’activité politique, à savoir la pédagogie. C’est le moment de faire de la pédagogie. Et je comprends l’enthousiasme et la vision d’une assemblée parlementaire dans un moment tel que celui-ci; j’ai été parlementaire comme vous pendant de nombreuses années, j’ai même été président de cet hémicycle. Je sais que c’est le moment d’exprimer son enthousiasme et son soutien. Mais ensuite, nous devons passer aux actes. La prochaine fois, lorsque vous débattrez de nouveau du budget de l’Union, n’oubliez pas que nous aurons besoin de ressources pour faire ce que nous faisons aujourd’hui avec un fonds intergouvernemental que ce parlement n’a jamais approuvé, parce que cela ne relève pas de ses compétences.

Ayez un état d’esprit qui privilégie la défense et la sécurité, et cessez de débattre de manière théologique de l’autonomie stratégique. Appelez-la comme vous voulez, mais nous devons être plus responsables. Nous devons davantage prendre en mains nos responsabilités. Nous devons assumer notre responsabilité stratégique, et cela n’a rien à voir avec un affaiblissement des alliances transatlantiques qui, soit dit en passant, se sont améliorées plus que jamais. Notre unité avec nos partenaires transatlantiques est sans faille jusqu’à présent; il n’est aucunement question d’un affaiblissement de l’OTAN, car nous développons nos capacités.

Nous devons nous doter du pouvoir de contraindre. Je sais que le mot peut en effrayer certains. Mais le pouvoir de contraindre, j’insiste, ce n’est pas seulement parler de la dimension militaire. Le pouvoir de contraindre, c’est le pouvoir d’imposer ses vues à d’autres. Le pouvoir d’influencer la décision des autres - et c’est ce que nous faisons par ces mesures - constitue un grand pouvoir de coercition. Mais préparons-nous à la réponse. Préparons-nous aux conséquences. Ne vous contentez pas d’avoir des mots forts. Ne vous contentez pas de belles paroles. À partir de maintenant, nous devons nous préparer à résister. Nous devons être prêts à agir, à long terme, en parfaite connaissance des défis qui nous attendent et des capacités dont nous disposons. L’heure est venue pour l’Union européenne de réfléchir à ce qu’elle veut être. À ce que nous sommes. Aux limites à ce que nous pouvons faire. Et à ce que nous voulons faire à l’avenir. Vous le savez, pour relever les défis à venir, nous devrons revoir beaucoup de choses, des choses qui concernent nos procédures et nos méthodes, en accordant à notre capacité d’action davantage d’attention que le temps que nous consacrons aux débats internes.

Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine me rappelle Budapest en mai 1956. J’avais alors neuf ans, mais je me souviens que j’écoutais à la radio comment les Russes attaquaient lorsqu’ils sont entrés dans Budapest. Cela me rappelle 1988, le printemps de Prague. J’étais officier dans l’armée espagnole à l’époque, et mon unité a été mise en état d’alerte. Je ne sais pas pourquoi, mais ça n’a strictement servi à rien. Dans les deux cas, nous n’avons rien fait, parce que nous ne pouvions rien faire. Mais à partir de maintenant, nous devons gérer la confrontation entre nous, les démocraties - peuplées de gens qui croient à la liberté, aux systèmes multipartites et dans lesquelles les citoyens choisissent leurs gouvernements, dans lesquelles nous vivons dans une économie de libre concurrence, en essayant de faire coexister efficacité économique et cohésion sociale - et les régimes autocratiques, qui se maintiennent au pouvoir grâce à une poignée d’individus qui tirent avantage du système, alors que les conditions de vie de la grande majorité ne s’améliorent pas. Tout ce trésor de guerre que Monsieur Poutine obtient par les paiements du gaz ne contribue pas à accroître le bien-être de la population russe. Il rend sa machine de guerre plus puissante. Tout l’argent que nous payons pour le gaz, le pétrole russe ne sert pas à améliorer le bien-être du peuple russe, ça sert tout simplement à augmenter sa capacité militaire.

Je le pense vraiment et honnêtement, il est temps pour l'Europe de réfléchir à ce qu’elle est: Que voulons-nous être dans le futur? À mon avis, un peu plus que ce nous sommes aujourd’hui. Et c'est ça le véritable défi auquel nous devrons faire face dans les prochaines semaines et dans les prochains mois et années. Et c’est pour ça que la Conférence sur le futur de l’Europe peut jouer un rôle important.

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