Forum ministériel pour la coopération dans l’Indopacifique : Notes d’ouverture du haut représentant/vice-président Josep Borrell

22.02.2022
Brussels

Seul le prononcé fait foi !

Monsieur le ministre, Mesdames, Messieurs, chers amis,

Madame la commissaire, Monsieur le commissaire,

Tout protocole observé comme on dit dans les habitudes diplomatiques.

Merci beaucoup à la présidence française de l'Union européenne d’organiser cette importante rencontre ministérielle sur l'Indopacifique. Et merci beaucoup à tous nos partenaires de la région indopacifique d'avoir bien voulu voyager jusqu'à Paris pour participer à ces Forum. Je commence à retrouver ici des amis. Et merci beaucoup à tous les pays qui m'ont accueilli si chaleureusement pendant mes voyages dans la région : l’Indonésie et l’ASEAN. Merci à vous tous.

Le centre du monde se déplace vers le l’Indopacifique. Le scénario de l'histoire au 21e siècle sera dans l'Indopacifique. Pour nous méditerranéens qui avons fait notre histoire autour de la mer centrale, entre l'Europe et l'Afrique, l'Indopacifique est loin. Mais dans l'histoire, nous avons bâti ensemble l'histoire du monde.

Permettez-moi de vous dire qu'au 15e siècle, un marin génois ou un travailleur du port de Marseille devait travailler un mois pour pouvoir acheter 100 g de safran ou 100 g de poivre: las especias (traduction de l’espagnol: épices). L'Indopacifique, c'était la région des épices. La « especiería », comme on disait en espagnol ou en portugais, est cette denrée exotique qui faisait l'attrait [et venait] d’une région où les navigateurs européens et en particulier les Espagnols, ont commencé à bâtir le monde global. 

Aujourd'hui, on peut acheter 100 g de safran ou de cuivre, ce n'est pas cher. Mais si vous voulez acheter une voiture en Europe, il vous faut attendre un an. Vous ne pouvez pas acheter une voiture du jour au lendemain. Il faut attendre un an pour acheter une voiture. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas des microprocesseurs, on n'a pas des chips. Et c'est où que les chips se produisent ? Fondamentalement, dans l’Indopacifique. Donc c'est une denrée différente, mais c'est [une denrée] stratégique et plus stratégique encore aujourd'hui qu'au 15e siècle.

Un bateau qui bloque le canal de Suez casse les lignes d'approvisionnement de nos systèmes commerciaux industriels. Et ça coûte 500 millions d'euros par jour [de] bloquer le canal de Suez. Et les 40% de notre commerce passe par le détroit de l’Indopacifique. On le connaît moins que le détroit de Gibraltar ou le Bosphore mais c'est la veine aorte [maîtresse] de notre activité commerciale dans le monde. Si cette route-là se bloque, c'est tout notre commerce extérieur qui se bloque.  

Nous avons une gigantesque interdépendance dont on n'est pas souvent trop conscient. Et c'est pour ça que cette réunion est importante. Parce que les risques géopolitiques sont majeurs. Parce qu'il y a un impact direct sur la sécurité et la prospérité de vos pays, et de nos pays. Parce qu'il y a beaucoup de problèmes qui sont vos problèmes et nos problèmes. Et vice versa.  

Et donc il faut travailler ensemble pour les résoudre. Avant c'était les épices, maintenant ce sont les chips. Mais tous ensemble, l'Indopacifique et l'Europe nous sommes [représentons] les 70% du commerce mondial [de biens et de services] et ensemble, nous produisons les 60% du PIB mondial. On est à plus de la moitié [que de celui] de l'économie mondiale, donc nous avons tout intérêt à travailler ensemble dans un monde où la concurrence stratégique augmente et la coopération diminue.  

Nous avons, l’Union européenne, une stratégie pour l’Indopacifique et nous proposons dans cette stratégie à tous nos partenaires, c'est à dire à vous tous, de travailler ensemble pour la stabilité, la sécurité, la prospérité et le développement.  

Et nous croyons que nous avons un certain nombre des capacités, d'expertise, [et] de ressources nécessaires pour contribuer à une solution commune à nos problèmes globaux.  

Mais plus important que les capacités, c'est la volonté. Ça ne sert à rien d'avoir des capacités si vous n'avez pas la volonté de vous en servir. C'est ça qu'il faut développer ensemble, la volonté de faire, comme en témoigne ici la présence des représentants de la Commission européenne et du ministère des Affaires étrangères .  

Il faut faire dans le commerce et [dans] les investissements. Nous faisons beaucoup, les chiffres nous [le] disent. Il faut faire beaucoup, on peut faire encore plus : la transition écologique ; la gouvernance des océans  - le ministre [Jean-Yves Le Drian] en a parlé; le partenariat numérique ; la révolution digitale [qui] va changer nos vies ; la connectivité ; la sécurité et la défense ; et la sécurité humaine.  

Tout ça [représente] les chemins de nos travaux en commun. Et notre engagement doit être un engagement entre partenaires égaux pour promouvoir d'abord la connectivité dans toutes ses dimensions, et pas seulement la connectivité physique que notre navigateur cherchait il y a 500 ans. La connectivité entre nous, ça veut dire quelque chose de plus. Ça veut dire le numérique, l'énergie et le contact « People to people ».  

Il nous faut un environnement réglementé, il nous faut mobiliser la mobilité des financements nécessaires pour que cette connectivité soit productive. [Que] cette connectivité physique et humaine nous permette de développer ensemble. 

Il faut faire [en sorte] que le secteur privé et les institutions financières européennes ici présentes - je salue la Banque européenne d'investissement -, [et] internationales, puissent mobiliser jusqu'à 300 milliards d'euros pour des projets partout dans le monde. Il nous faut façonner les normes de demain. Celui qui définit la norme, celui qui définit la règle, [c’est celui qui] a le pouvoir. Ça a toujours été comme ça.  

Il faut continuer à façonner le monde de demain et en particulier [définir] quelles vont être les règles qui vont déterminer la façon dont nous vivons dans un univers numérique. Et c'est pour ça que, avec des pays de l'Indopacifique : le Japon, la république de Corée et Singapour, nous avons tant à faire ensemble pour définir la manière dont nous allons vivre dans un environnement digitalisé.  

Il faut travailler dans la recherche, dans l'innovation. Je répète, celui qui sera capable d'innover et de fixer les standards, gouvernera le monde. Il y a tellement de choses à discuter que je ne parlerai pas plus longtemps pour laisser nos travaux commencer.  

Mais permettez-moi de fixer quelques objectifs, pour nous. L'Union européenne va s’efforcer de conclure [les] négociations commerciales déjà engagées avec l'Australie, l'Indonésie, et la Nouvelle-Zélande. On va reprendre les négociations commerciales et d'investissement avec l'Inde. On va conclure un [accord de] partenariat économique avec la Communauté de l'Afrique de l'Est.  

Nous devons reprendre les négociations commerciales avec la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande. Et étudier la possibilité [de négocier] un accord commercial interrégional avec l’ASEAN. Nous allons intensifier le dialogue sur la sécurité et la défense, en particulier la sécurité maritime, la lutte contre le terrorisme et la cyber sécurité. On va s'efforcer à tenir ouvertes les routes maritimes sûres, libres et ouvertes conformément avec les règles des Nations Unies. 

On va travailler ensemble avec l'ASEAN pour une résolution pacifique de la crise du Myanmar [en Birmanie]. Hier, le Conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne a approuvé un 4e paquet de mesures restrictives qui sont aujourd'hui les plus conséquentes contre le régime militaire de Myanmar [de la Birmanie].  

Nous avons nommé un envoyé spécial pour le Myanmar [la Birmanie], qui va appuyer les efforts de l’ASEAN et des Nations unies.

Mesdames et Messieurs, je m'arrête ici.  

L'Union européenne veut tendre la main aux pays de l'Indopacifique pour travailler ensemble dans le défi du 21e siècle. Mais surtout, nous sommes ici à Paris pour vous écouter. Parce que l'ancien philosophe grec Zénon disait que nous avons deux oreilles mais seulement une bouche, pour pouvoir écouter deux fois plus que ce que nous parlons. Il faudra que je reste silencieux pendant un certain temps pour compenser le temps où j’ai utilisé ma bouche et vous vos oreilles.  

Merci beaucoup.  

Lien vers la vidéo: https://audiovisual.ec.europa.eu/fr/video/I-218803

 

Nabila Massrali
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Xavier Cifre Quatresols
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