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Colloque sur l'architecture durable en RDC

09.06.2016
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Allocution de Monsieur l'Ambassadeur Jean-Michel DUMOND, Chef de Délégation de l’Union européenne en République démocratique du Congo

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Excellence Monsieur le Ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat;

Honorables députés,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et les Représentants des partenaires techniques et financiers;

Madame la Déléguée de la Fédération Wallonie Bruxelles en RDC,

Mesdames et Messieurs;

Distingués invités;

C’est avec une grande satisfaction que j'interviens ce 9 juin 2016, à l'ouverture du colloque sur l'architecture durable en RDC, organisé par la Délégation de l'UE et le Centre Wallonie Bruxelles en collaboration de la Société des Architectes du Congo (SAC) et des responsables du programme ARES.

Ce colloque est une magnifique opportunité pour promouvoir une architecture durable respectueuse de l'environnement et des traditions culturelles congolaises mais aussi de rappeler combien l'architecture durable a déjà une longue histoire au Congo, même si elle a été très négligée.

La République démocratique du Congo est un pays magnifique, avec des ressources considérables en eau, minerais, en terres arables. Sa biodiversité est inestimable mais peu exploitée. Son patrimoine culturel est riche mais parfois occulté par les congolais eux-mêmes. C'est aussi un pays aux besoins immenses pour son développement avec une population qui va doubler en 20 ans. La croissance démographique exerce une pression croissante sur l'espace de vie. Cette pression se fait sentir particulièrement dans les grandes villes. Elle se traduit aussi par un besoin croissant en écoles, en centres de santé. Le développement de l'économie exige aussi la construction d'infrastructures. La décentralisation accroit la demande en bâtiments. Près de 240 bâtiments publics devraient être construits rien que pour satisfaire aux besoins administratifs des nouvelles provinces.

C'est là un défi immense pour l'aménagement du territoire, pour l'économie et pour la fourniture de services adéquats et abordables pour chaque congolais. Il faut également prendre en compte le changement climatique qui touche déjà la RDC et la place parmi les dix pays les plus affectés au monde. De surcroît, ce défi est à relever dans le contexte d'un Etat au budget extrêmement réduit, et encore plus alors que la baisse des cours du cuivre affecte les recettes fiscales.

Mais ce défi représente aussi une opportunité pour la recherche de solutions innovantes, ingénieuses et le moins couteuses possible. Il faut donc repenser nos comportements en termes de consommation et d'économie d'énergie. Avec toutes ces infrastructures à construire au moindre coût possible, allant du logement individuel au bâtiment à plusieurs étages, comment mettre en valeur le patrimoine culturel et historique de la RDC, valoriser le savoir-faire et le travail de la main d'œuvre locale, prévenir les catastrophes climatiques et en atténuer les conséquences, mettre en valeur les ressources du pays?

Je suis donc très heureux que pendant ces deux jours de rencontre entre décideurs, journalistes, architectes et ingénieurs l'occasion nous soit offerte de réfléchir sur l'architecture durable, à un développement pérenne et inclusif, en examinant les projets architecturaux sous tous les angles. Je voudrais donc souligner les 3  objectifs particuliers poursuivis par ce colloque:

  • Former les professionnels – dont les architectes, les ingénieurs et les entrepreneurs – grâce à un échange concret entre experts congolais et européens;

  • Sensibiliser les preneurs de décision (ministres, parlementaires, administrations), les partenaires techniques et financiers (PFT), et les journalistes;

  • Etudier les manières d'inclure les concepts élaborés dans les cas pratiques de constructions d'infrastructures, tels que ceux de santé en RDC.

Excellence,

Mesdames et Messieurs,

L'histoire du Congo et la préférence pour le recours aux solutions extérieures, souvent déficientes, se reflètent malheureusement dans les styles et techniques architecturaux du pays. Une architecture traditionnelle précoloniale continue d’exister aujourd’hui, mais ses avantages et ses techniques ne sont que peu valorisés de nos jours. Aucun effort n'a été fait pour rendre ces techniques traditionnelles plus en phase avec les besoins d’une société moderne. Dans les villes, ces pratiques ancestrales, dont certaines demeurent dans l’urbanisation informelle, ont été et demeurent étouffées par:

 a) une architecture coloniale prédominante à laquelle a succédé une architecture sans caractère et inadaptée aux conditions de la RDC;

b) des pratiques de construction couteuses et inefficaces utilisant presque exclusivement des matières importées telles que le ciment, les briques, et la tôle pour des habitations simples;

c) plus récemment, une architecture dite « moderne » qui reprend majoritairement le style des nouvelles constructions des pays du Golfe et d'Asie appelées "glass and steel" – de verre et d'acier, mais sans le respect des normes d'isolation applicables.

Les conséquences de cet état de fait sont regrettables. A part la technique ancestrale, l’architecture coloniale était peut-être la mieux adaptée au climat du pays car elle combinait des innovations dans la construction des habitations tenant compte des incontournables réalités sur place telles que l'absence d’électricité, et les particularités climatiques et donc de ventilation par le toit et avec un mur extérieur et un mur intérieur séparés par un vide d'air appelé le "spouw" en langue néerlandaise. À l'époque, et notamment en raison de la difficulté des transports, cette architecture n'avait d'autre choix que d'utiliser des matériaux locaux.

Les nouveaux projets de construction depuis les années 1970 se bornent, dans la plupart des cas, à transposer des concepts architecturaux occidentaux appliqués sans souci du contexte et récemment se réfèrent de plus en plus à des solutions schématisées en provenance des pays du Golfe et de la Chine. Ces projets n'ont très souvent qu'une durabilité extrêmement réduite par manque d'entretien, par manque de connaissance locale et par indisponibilité de pièces de rechange, et une isolation insuffisante ou déficiente. Comment ne pas être frappé par ces innombrables bâtiments dits modernes où la chaleur est insupportable tout simplement parce que la climatisation, au demeurant très chère et très peu logique ne peut être mise en œuvre faute d'électricité et devient en tout état de cause rapidement inutilisable faute d'entretien.

 Quelles solutions pouvons-nous alors imaginer pour sortir de cette impasse? Des coopérations sont en cours, notamment grâce au projet de l'Académie belge de Recherche et d'Enseignement supérieur (ARES) qui permet la collaboration entre l'Université de Liège, la Faculté d'Architecture de La Cambre-Horta au sein de l'Université Libre de Bruxelles, et divers acteurs du secteur architecture en RDC. Saluons aussi la collaboration entre l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Grenoble et le Centre international de la construction en terre (CRAterre) du Congo.

Excellence,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi à présent de dire quelques mots sur notre attitude, à nous bailleurs de fonds. Tous les Partenaires techniques et financiers présents en RDC sont actifs dans les constructions et réhabilitations de bâtiments à Kinshasa et dans les provinces. A titre d'exemple, vous assisterez plus tard ce matin à la présentation d'un chantier d'architecture durable exemplaire financé par l'Union européenne à Kisangani. Mais à côté d'un tel projet, combien de constructions couteuses et inadaptées ! Il est donc important de renforcer les capacités à produire d’études architecturales durables.

Chaque amélioration technique du savoir-faire des bureaux d’architectes locaux aura un impact direct sur les nombreuses activités de construction non seulement des partenaires techniques et financiers qui contractent ces bureaux, mais aussi sur les constructions publiques financées par l’Etat congolais et sur les constructions privées. Les donneurs d'ordre, qu'ils soient publics ou privés doivent prendre conscience qu'il est possible  de construire mieux et moins cher. Faciliter la mise en réseau, l'échange d'expertises, le transfert de savoir-faire, sensibiliser donneurs d'ordres extérieurs et bureaux d'architectes nationaux apporteront non seulement des études architecturales plus innovatrices et mieux adaptées au contexte local mais une meilleure qualité générale des ouvrages et de l'environnement urbain et rural. Ainsi, les investisseurs privés et publics s'inspireront davantage d'une nouvelle tendance vers une architecture durable et innovatrice qui prenne en compte les facteurs sociaux et environnementaux et les capacités de création des architectes locaux.

Le renforcement du caractère durable dans la conception des bâtiments administratifs, judiciaires, universitaires, académiques et de santé que l'Union européenne finance à travers le Fonds européen de développement (FED) améliorera sensiblement la pérennité et l'appropriation des investissements qu'elle consent dans sa coopération avec la République démocratique du Congo. Nous voulons que le concept d'architecture durable soit connu et utilisé en RDC, que les plans de nouveaux projets de bâtiments soient améliorés de façon à mieux prendre en compte le climat local et le changement climatique, la capacité de production locale, les matériaux de construction locaux, les pratiques et techniques ancestrales ou précoloniales. Nous voulons que l'environnement soit pleinement pris en compte, l’efficience énergétique, l'utilisation de matières biodégradables, la réduction d’émissions CO², la réduction de matières importées, la minimisation du coût d’entretien, le recours aux artistes congolais pour la décoration doivent être mieux pris en compte dans la conception des bâtiments.

Je voudrais remercier le projet ARES et tous les acteurs de ce colloque pour avoir permis de créer une dynamique à long terme. Je voudrais également vous remercier, tous et chacun de vous qui avez répondu à cet appel à prendre part à l'exercice de ces deux jours de travail, de réflexion et j'espère que chacun de vous en ressortira avec le réflexe d'analyse de durabilité, dans chacun de nos et de vos projets à mettre en œuvre.

La tenue de ce colloque, nous l'espérons en tous cas, est une véritable opportunité d’avancer ensemble tout au long du chemin du développement durable de la République démocratique du Congo.

Excellence, Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre attention.

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