La lutte se poursuit contre l'insécurité alimentaire que la guerre menée par la Russie a engendrée

Blog du HR/VP — La semaine dernière, l'initiative céréalière de la mer Noire, négociée grâce aux Nations unies et à la Turquie, a été reconduite pour trois mois. Avec les corridors de solidarité, que l'UE a mis en place, cette initiative est vitale pour limiter l'insécurité alimentaire à l'échelle mondiale, en particulier dans les pays les plus vulnérables. L'alimentation ne devrait jamais être utilisée comme arme de guerre.

"L'initiative céréalière de la mer Noire et les corridors de solidarité UE-Ukraine revêtent une importance vitale pour limiter l'insécurité alimentaire dans les pays les plus vulnérables du monde."

 

Avant la guerre d'agression menée par la Russie, l'Ukraine était l'un des principaux exportateurs mondiaux de produits agricoles: le premier pour l'huile de tournesol, le quatrième pour le maïs et le cinquième pour le blé. Et ces exportations étaient principalement destinées à des pays du Sud: en 2021, 27 % du blé ukrainien est allé en Afrique du Nord et 58 % en Asie.

UA share of global exports

Source: FAO

L'Ukraine fournissait chaque année environ 45 millions de tonnes de céréales au marché mondial, acheminées principalement par bateau. Depuis le déclenchement de la guerre par la Russie le 24 février, les forces armées russes ont systématiquement ciblé les cultures, les exploitations agricoles, les silos et les infrastructures de transport afin de limiter la capacité de l'Ukraine à produire et exporter des produits agricoles. La flotte russe a délibérément bloqué le passage en toute sécurité à destination et en provenance des ports ukrainiens de la mer Noire.

"La guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine a largement contribué à engendrer une insécurité alimentaire à l'échelle mondiale et à mettre en péril les moyens de subsistance de millions de personnes."

Cela a largement contribué à faire grimper les prix mondiaux des céréales, à engendrer une insécurité alimentaire à l'échelle mondiale et à mettre en péril les moyens de subsistance de millions de personnes. Les activités du Programme alimentaire mondial des Nations unies, qui achetait la moitié de son stock de céréales à l'Ukraine avant la guerre, en ont gravement été affectées. Je me suis récemment rendu en Somalie où j'ai pu voir de moi-même la gravité de l'insécurité alimentaire dans cette partie du monde en raison des effets cumulés du changement climatique et de la guerre en Ukraine.

UA export of wheat

Source: FAO

Le rôle crucial des corridors de solidarité

En réponse au recours inacceptable à l'arme alimentaire par la Russie, il a été pris deux initiatives couronnées de succès. En mai dernier, la Commission européenne et les États membres de l'UE limitrophes de l'Ukraine ont mis en place les corridors de solidarité UE-Ukraine afin de faciliter et d'accélérer le transport terrestre de marchandises entre l'Ukraine et l'UE et, en juillet, les Nations unies et la Turquie ont facilité la négociation d'un accord visant à ouvrir un corridor humanitaire maritime sûr en mer Noire (l'initiative céréalière de la mer Noire).

Depuis la création des corridors de solidarité, plus de 15 millions de tonnes de produits agricoles ukrainiens ont été exportées par la route, par le rail et depuis les ports roumains de la mer Noire et du Danube. Ces corridors sont actuellement la seule option possible pour l'exportation des produits ukrainiens non agricoles et pour l'importation de tous les produits dont l'Ukraine a besoin, tels que le carburant et l'aide humanitaire. À ce titre, ils sont devenus la ligne de vie de l'économie ukrainienne, ce qui a permis aux agriculteurs et aux entreprises du pays de toucher plus de 15 milliards d'euros qui leur sont tout à fait indispensables.

"Les corridors de solidarité UE-Ukraine sont devenus la ligne de vie de l'économie ukrainienne, ce qui a permis aux agriculteurs et aux entreprises du pays de toucher plus de 15 milliards d'euros qui leur sont tout à fait indispensables."

Les États membres de l'UE limitrophes de l'Ukraine (Pologne, Roumanie, Slovaquie et Hongrie) ont consenti des efforts et des investissements considérables pour faciliter ces routes commerciales. En établissant une connexion plus stable avec l'UE, les corridors de solidarité sont devenus un lien indispensable avec l'Ukraine et la République de Moldavie, ce qui est également important dans la perspective de leur processus d'adhésion à l'UE.

Un milliard d'euros mobilisés pour améliorer les corridors de solidarité UE-Ukraine

Toutefois, ces corridors atteignent leurs limites de capacité, des goulets d'étranglement persistent et les coûts logistiques sont élevés. La Commission européenne va allouer 250 millions d'euros de subventions pour maintenir et renforcer leurs capacités. À court terme, elle soutiendra des améliorations rapides afin de réduire les temps d'attente et d'améliorer les déplacements à travers les points de passage frontaliers et leurs voies d'accès. À plus long terme, l'UE mobilisera un total d'un milliard d'euros jusqu'à la fin de 2023, avec la Banque européenne d'investissement (qui prêtera 300 millions d'euros pour ce projet), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (300 millions d'euros) et la Banque mondiale (100 millions de dollars) afin de garantir des liquidités pour les opérateurs, ainsi que le financement des réparations et des augmentations de capacité.

Initiative céréalière de la mer Noire

En outre, depuis juillet 2022, date à laquelle l'initiative céréalière de la mer Noire a été convenue, plus de 400 navires chargés de céréales et d'autres denrées alimentaires ont quitté les ports ukrainiens de Tchornomorsk, Odessa et Ioujny/Pivdenny. Au 7 novembre 2022, plus de 10 millions de tonnes avaient été exportées dans le cadre de cette initiative. Le maïs, céréale la plus touchée par les blocages des greniers ukrainiens au début de la guerre (75 % des 20 millions de tonnes de céréales stockées), représentait plus de 40 % des cargaisons. Un transfert rapide s'imposait afin de libérer de l'espace pour le blé de la récolte estivale.

Contrairement à ce qu'affirme la propagande russe, la moitié des produits agricoles (deux tiers du blé et trois quarts de l'huile de tournesol) exportés dans le cadre de l'initiative de la mer Noire sont allés dans des pays en développement. Le Programme alimentaire mondial a relancé les expéditions de blé depuis les ports de la mer Noire. À ce jour, cinq navires transportant au total plus de 150 000 tonnes de blé ont quitté les ports ukrainiens à destination de l'Éthiopie, du Yémen, de Djibouti, de la Somalie et de l'Afghanistan.

percentage stand for share of total grain exported via the black sea route

Juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie et le blocus russe des exportations de produits agricoles ukrainiens, les prix du blé et du maïs ont fortement augmenté et se sont maintenus à des niveaux élevés jusqu'en mai 2022. À la fin du mois de mai, lorsque les corridors de solidarité ont été mis en place, les prix ont commencé à baisser. Tant les corridors que l'initiative céréalière de la mer Noire ont eu un impact très positif. Toutefois, les niveaux des exportations restent nettement inférieurs à ceux des années précédentes, tandis que les prix sont toujours supérieurs à ceux d'avant la guerre. En septembre et en octobre, l'annonce par la Russie de son intention de mettre un terme à l'initiative céréalière de la mer Noire a eu pour effet de faire de nouveau monter les prix. C'est pour cette raison qu'il était capital de reconduire cette initiative.

World Bank - Cost of wheat

 

Il est évident que c'est la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine et son ciblage délibéré des installations agricoles ukrainiennes et des voies d'exportation qui ont exacerbé la flambée des prix des denrées alimentaires et la crise alimentaire mondiale. Toutefois, la Russie continue de manipuler l'information et de diffuser une propagande fustigeant nos sanctions. Il s'agit de mensonges patents. Nous avons toujours été clairs sur le fait que nos sanctions ne ciblent pas le commerce des produits agricoles et alimentaires, notamment des céréales et des engrais, entre la Russie et les pays tiers.

"Seuls le retrait des troupes russes du territoire ukrainien et la cessation de l'agression par la Russie peuvent permettre à l'Ukraine de produire et d'exporter les produits agricoles dont un monde de huit milliards de personnes a besoin de toute urgence."

Les corridors de solidarité et l'initiative de la mer Noire sont évidemment d'une importance capitale pour limiter le risque d'une famine mondiale, mais ils ne peuvent pas résoudre la crise alimentaire à eux seuls. Seuls le retrait des troupes russes du territoire ukrainien et la cessation de l'agression par la Russie, conformément aux décisions de l'Assemblée générale des Nations unies, peuvent permettre à l'Ukraine de produire et d'exporter les produits agricoles dont un monde de huit milliards de personnes a besoin de toute urgence. L'agression menée par la Russie n'est pas seulement un crime contre l'Ukraine et les Ukrainiens, ainsi qu'une violation patente des principes fondamentaux de la charte des Nations unies; elle met également en danger la vie de millions de personnes dans les pays les plus pauvres du monde. L'alimentation ne devrait jamais être utilisée comme arme de guerre.