Lutter contre la violence et les crimes à l'encontre des journalistes

02.11.2021

Harcelés, attaqués, emprisonnés et tués, de nombreux journalistes continuent de payer de leur vie leur engagement en faveur de la liberté d'expression et de notre droit à l'information. Les crimes contre les journalistes ne se limitent pas à quelques pays. En cette Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes, nous insistons sur l'urgence de garantir la liberté d'expression et l'accès à l'information pour tous les citoyens à travers le monde.

 

"Les journalistes indépendants protègent la liberté d'expression et garantissent l'accès de tous les citoyens à l'information. Ils contribuent aux fondements de la démocratie et des sociétés ouvertes. Que ce soit au niveau national ou à travers le monde, il faut mettre fin à l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes", ont déclaré le haut représentant/vice-président Josep Borell et la vice-présidente Věra Jourová dans un communiqué conjoint publié à cette occasion.

 C'est dans un contexte d'atteintes croissantes à la liberté de la presse dans le monde que le prix Nobel de la paix 2021 a été décerné aux journalistes Maria Ressa et Dmitri Muratov. Ce prix vient reconnaître la répression croissante exercée contre les médias et le rôle important joué par les journalistes pour mettre en évidence les violations des droits de l'homme. Une peine de prison et plus de 90 messages de haine chaque heure sur Facebook .... La journaliste Maria Ressa, qui a publié des reportages critiquant les autorités de son pays, a fait l'objet de multiples accusations pénales et est devenue la cible d'une campagne d'insultes en ligne.

Lors de la remise du prix Nobel de la paix 2021, Dimitry Muratov a souligné que les vrais lauréats devraient être ceux qui ont perdu la vie en faisant leur travail. Le prix a été décerné au lendemain du 15e anniversaire de la mort de d'Anna Politkovskaya, l'une des six journalistes de Novaya Gazeta assassinés. Empoisonnée, arrêtée, soumise à un simulacre d'exécution puis tuée en octobre 2006, Anna Politkovskaya avait refusé pendant 7 ans de renoncer à ses reportages sur la guerre en Tchétchénie, malgré les nombreux actes d'intimidation et de violence dont elle était la cible.

Des attaques contre des journalistes sont perpétrées dans presque tous les pays. Entre 2006 et 2020, plus de 1 200 journalistes ont perdu la vie pour avoir diffusé des informations. Le plus choquant est le fait que, dans seulement un cas sur dix où un journaliste est assassiné, les poursuites contre les auteurs aboutissent (selon l'Unesco).

L'édition 2021 de la Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes met en évidence le rôle déterminant des services de poursuite judiciaire dans les enquêtes et les poursuites concernant non seulement les meurtres mais aussi les menaces de violence contre les journalistes.

Plusieurs facteurs expliquent l'impunité de ces crimes: les entraves aux enquêtes et à la justice, l'engorgement du système judiciaire lui-même, par exemple faute de ressources humaines et financières, la corruption, le manque de transparence et le manque de connaissances. Souvent, le meurtre d'un journaliste est considéré comme une "infraction de droit commun" sans aucun lien avec la profession qu'il exerçait. Or, il faudrait absolument commencer par reconnaître la complexité de ces crimes et les considérer comme des crimes contre la liberté d'expression et pas seulement contre des individus.

Les femmes journalistes sont particulièrement touchées par les menaces et les attaques, notamment celles qui ont lieu en ligne. Selon le récent document de réflexion de l'Unesco, intitulé The Chilling: Global trends in online violence against women journalists (lien externe)(Tendances mondiales alarmantes de la violence en ligne contre les femmes journalistes), 73 % des femmes journalistes interrogées ont déclaré avoir été menacées, intimidées ou insultées en ligne dans le cadre de leur travail. La violence en ligne à l'égard des femmes exploite l' «effet dissuasif», qui vise à décourager leur participation active au débat public.

Aussi la Commission européenne a-t-elle publié une Recommandation concernant la protection, la sécurité et le renforcement des moyens d'action des journalistes (septembre 2021) proposant des actions concrètes:

  • la mise en place de centres de coordination conjoints
  • des services d'aide aux victimes
  • des mécanismes de réaction rapide mettant l'accent sur les risques qu'encourent particulièrement les femmes journalistes. 

La recommandation prévoit également des poursuites pénales renforcées et plus efficaces , une coopération avec les services répressifs et des mécanismes de réaction rapide, ainsi qu'une protection économique et sociale. Une autre initiative ciblée est en cours d'élaboration sur la question des poursuites altérant le débat public, qui affecte de plus en plus le travail des journalistes indépendants.

Voir également